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Commentaire de Georges-Henri Clopeau

sur Pour une réforme de l'enseignement des langues en faveur d'une vraie diversité linguistique


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Georges-Henri Clopeau 31 janvier 2008 14:22

 

Comprenons d’abord que le multilinguisme qu’on nous propose est soutenu seulement par quelques « grandes » langues qui espèrent sauver un peu de leur rayonnement passé. Il ne s’agit pas d’un effort pour la diversité culturelle et la reconnaissance d’une égale dignité à toutes les langues. Il est bien clair en effet qu’il est impossible d’apprendre suffisamment de langues, même si on ne faisait que cela, pour comprendre tout le monde, Ainsi en Europe, même en supposant qu’il n’y ait que 25 langues, et si l’on voulait respecter l’égalité entre ces 25 langues, il faudrait que chaque européen en maîtrise 13 pour que 2 Européens quelconques soient absolument certains de pouvoir trouver une langue pour se comprendre.

  

S’il ne s’agit que de se comprendre à propos de choses, de faits, de règlements objectifs, une langue commune, pourvu qu’elle ne soit pas trop chargée d’ambigüités, et qu’elle n’exige pas un trop long temps d’études, suffit. Mais pour vraiment communiquer au plus profond de soi, il faut saisir toutes les résonnances culturelles de la langue, ce qui est le cas pour la langue maternelle pratiquée depuis la naissance et pendant une longue scolarité, mais ce qui ne sera accessible à ceux qui ont une autre langue maternelle qu’au prix d’études passionnées et de longue durée. Les langues qui rayonnent sont celles qui ont suscité dans le monde de tels passionnés, capables de créer eux-mêmes dans cette langue qui leur est étrangère. Très peu de personnes s’intéressent assez aux langues pour en étudier plusieurs à ce niveau de maîtrise.

Le "plurilinguisme" pour tout le monde ne peut donc être que la connaissance superficielle de plusieurs langues, acquises sans enthousiasme, et au prix du sacrifice d’études que certains pourraient préférer. Il n’apporte à l’immense majorité des gens, pour la communication et le rayonnement culturel, rien de plus qu’une seule langue commune.

 

Mais quels que soient les pays choisis au titre du plurilinguisme, ceux-ci seront favorisés dans tout échange se faisant dans leur langue. A fortiori, quel que soit le pays dont la langue deviendra « langue unique » dans le monde, celui-ci dominera le monde. En fait, aujourd’hui comme hier, c’est le contraire ; la langue est toujours imposée par le pouvoir politique, et c’est justement la langue de l’économie anglo-saxonne qui domine le monde, sans qu’il soit nécessaire de perturber l’évolution des langues qu’on dit « naturelle », en ce sens qu’elle se fait sans aucune intervention d’esprit critique et de décision volontaire des humains. Nul doute que le combat pour le multilinguisme est au mieux une tentative de retardement de cette évolution naturelle ; au pire c’est une manœuvre pour faire digérer leur déchéance aux « grandes »langues.

 

Je suis pourtant persuadé qu’un véritable plurilinguisme, laissant à toutes les langues leur vie propre et une égale possibilité de rayonnement, est parfaitement possible. Mais pour cela, il faudrait d’abord s’entendre pour décider que pour communiquer des faits et des opinions, il suffirait que tous les humains (dans un premier temps, tous les Européens) décident de se servir d’une langue conçue exprès pour cela, langue qui ne véhicule aucune force de domination, langue par laquelle chacun fait vers l’autre le même pas. Je pense que, dans ce rôle, l’espéranto a fait ses preuves et que ce n’est pas la peine d’y revenir

 

Non seulement, si l’on enseignait l’espéranto à tous les enfants, on disposerait d’une langue auxiliaire de communication universelle, mais un siècle d’expérimentation a démontré que cette langue peut être apprise facilement et que, grâce à sa régularité, elle contribue à la structuration de l’esprit. Les élèves qui l’ont apprise entre 8 et 11ans

- peuvent l’utiliser pour dialoguer avec tout autre enfant de la planète ayant reçu le même enseignement.

- Comprennent mieux la grammaire et maîtrisent mieux leur langue maternelle, même si le temps (10minutes par jour de classe) a été pris sur cette dernière.

- Ont acquis une disposition à assimiler beaucoup plus rapidement les langues étrangères, et certains ont désormais le goût de l’étude des langues.

 

Ainsi, un vrai plurilinguisme pourrait s’instituer, les élèves choisissant librement les deux langues étrangères (même régionales) qu’ils devraient étudier, et certains choisissant de pousser cette étude à un niveau littéraire, ou de se consacrer à la linguistique générale.

 

Aujourd’hui une langue commune s’impose : l’anglais. Et on gaspille le temps de l’école élémentaire en y introduisant prématurément l’anglais. Prêcher le plurilinguisme ne l’empêchera pas de devenir unique, mais placera tous les pays non-anglophones en infériorité sur le plan de la recherche scientifique et du développement technique, en raison du temps inutilement consacré à l’étude de plusieurs langues.

On ne peut pas sortir du jour au lendemain de cette situation, mais il est possible de la supporter, c’est à dire d’apprendre mieux cette indispensable langue anglaise, sans perdre de temps à l’école élémentaire, jusqu’au jour où tous le Européens connaissant l’espéranto, tellement supérieur à l’anglais pour la communication objective, celui-ci remplacera l’anglais dans la science, la technique et les institutions.

Alors l’anglais rayonnera de nouveau en tant que langue de culture au lieu de se "pidginiser", comme aujourd’hui.


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