Accélération

Le temps est une notion soumise à relativité physique, pas seulement à la relativité de notre impression. Si l’on considère l’espace-temps-énergie, trois choses indissociables, nous constatons que les étoiles semblent s’éloigner autour de nous à vitesse accélérée. L’effet Doppler-Fizeau fait que nous voyons leur lumière dans l’infrarouge. Doppler- Fizeau, vous connaissez, c’est le phénomène qui vous enlève 9 millions de points en un an sur le permis de conduire par le truchement des radars et apporte à ce gouvernement une parafiscalité sous le prétexte de vous sauver la vie sur les routes. C’est aussi le phénomène qui nous fait percevoir le bruit d’un véhicule plus aigu que réel quand il s’approche de nous et nous fait le percevoir plus grave quand il s’éloigne. Une petite mesure de la phase de l’onde et le tour est joué : 90 euros Monsieur ! La technologie est sans failles et vous y êtes soumis comme vous êtes soumis au temps qui passe depuis l’explosion du big-bang. Petite digression : que penseriez-vous d’un homme qui vous sauve la vie et vous demande ensuite de payer ce sauvetage ? Là aussi il y a relativité d’impressions entre la gratuité et l’affaire juteuse. Mais revenons à ce qui est de l’impression que l’on a du temps qui passe. Ma grand-mère, née en 1864, me parlait de Napoléon 3. Mon père me parlait de ses trois ans de service militaire et de ses quatre ans de Verdun ; il était né en 1892. Je peux aussi vous parler des SS qui occupaient la maison familiale durant the « world war 2 » et se bâfraient ostensiblement quand nous demandions à manger à notre mère. Tout cela pour dire que le temps ne me semble pas avoir changé de rythme ; à notre petite échelle, il est constant. Cependant, l’accélération des découvertes technologiques est une évidence et là, nous avons eu la sensation d’être impliqués dans un mouvement exponentiel. Dans les années40, nous prenions le temps du temps, comme l’on dit. Eh bien ! J’en suis resté là mais je vois tout s’exciter autour de moi, des ingénieurs pressurisés, acculés au suicide, un président coup de vent omniprésent et ma réflexion est la suivante : où courent-ils comme ça ces gens du troisième millénaire ? Est-ce la ruée vers l’or de la mondialisation qui accélère les choses ou le mouvement d’une mode où l’apparence des êtres serait plus importante que leur qualité de vie ? Les violettes ne sont-elles pas toujours les mêmes, au printemps ? Voir une accélération dans le temps vient sans doute du fait qu’on laisse passer les choses naturelles de la vie dans notre précipitation vers le matériel, vers la compétition. Le « tout, tout de suite » est un accélérateur de vie bien regrettable. C’est nous qui réduisons le temps par de tels comportements. Septuagénaire aujourd’hui, je garde la faculté d’émerveillement qui fait que le temps est toujours égal à lui-même. Ma formule mathématique se réduit à une constante. J’ai aimé, avec ma grand-mère, l’opérette des « Petites Michus » et aujourd’hui, je me régale d’écouter Amy Winehouse ou The Do. La souvenance des jours heureux ne me fait pas pleurer ; autant en emporte le vent ! J’accuse une partie de la société actuelle d’excès de vitesse, celle qui laisse derrière elle des pauvres, des exclus, dans un pays très riche. Le temps passe selon l’état d’esprit. Quand on vit dans le présent, on vit dans l’éternité et le temps ne nous semble ni court ni long, il n’a plus de prise sur nous. Mais écoutez-donc ce que mes vieilles mains racontent ! Jeunes, je vous trouve parfois très vieux et ce n’est pas le temps, comme on sait, de ne pas être heureux, à vingt ans. Que le tsunami de l’accélération vous épargne. Comme disait Jean Gabin : « J’peux pas dire mieux : quand on aime, il fait très beau ». Qu’importe la rapidité ou la lenteur du temps, s’il est beau ? Alors ! Quand est-ce qu’on s’aime les uns, les autres ?

A.C