Quel âge avez-vous ?
Une application curieuse des logarithmes.
Le fait que le temps passe est une réalité objective, mais aussi une actualité permanente... C’est une constatation qui s’impose à chacun et à laquelle on ne peut échapper. Bien sûr le temps semble s’écouler plus ou moins vite selon ce que l’on ressent et on imagine aisément qu’une heure passée dans un bac à glace n’est pas perçue de la même façon qu’une heure passée au bord de sa piscine au soleil. Mais ce n’est pas là le problème.
Ce qui semble important ici ce n’est pas le temps lui-même, mais la sensation que l’on en a indépendamment du plaisir ou du déplaisir qui lui est associé.
Les psychologues Weber et Fechner ont affirmé et démontré au XIXe siècle que la sensation, le ressenti d’un phénomène sont proportionnels non à leur intensité, mais à leur logarithme.
Selon cette loi qui porte leur nom, la perception d’un phénomène répond à la formule suivante :
P = k * log (E)
où P est la perception de la sensation
E, l’intensité du phénomène, l’excitation
k, une constante et log, la fonction logarithme associée.
Autrement dit « la perception de la sensation varie comme le logarithme de l’excitation », selon la formulation précise de la loi.
A mesure que le temps passe, le temps semble s’accélérer. Il s’agit-là d’un cas particulier de cette loi qui s’applique à toutes les situations où une sensation est ressentie face à une excitation. Prenons un autre exemple. Si le poids que vous soulevez passe de 1 à 2 kg, vous aurez la même sensation d’accroissement que s’il passe de 2 à 4. Dans les deux cas il aura doublé. L’accroissement de la cause aura été différent : 1 dans le premier cas, 2 dans le second. Cette réalité peut être traduite par l’équation suivante :
dS = dE/E
où dS représente l’accroissement de la sensation
et dE la sensation de l’excitation.
Cette relation décrit bien une propriété des logarithmes, propriété qui découle de leur définition même. Lorsque la cause de la sensation est multipliée par k (2 dans l’exemple), cette sensation est augmentée de la même quantité (log 2), quelle que soit l’intensité de cette cause, en effet, log (kX) = log X + log k.
Si l’on en revient au temps, donc à l’âge qui en dépend, il suffit d’évoquer les longues années de l’enfance et cette accélération dramatique du temps au fur et à mesure que l’on avance en âge. Il suffit d’admettre que notre conscience compare chaque durée nouvelle à la totalité déjà vécue. L’enfant qui passe de 2 à 3 ans, l’adulte qui passe de 50 à 75 ans ont tous deux ajoutés 50 % au parcours déjà effectué. Les années ajoutées ne sont pas les mêmes : 1 an dans le premier cas, 25 ans dans le second, mais les durées perçues sont rigoureusement identiques.
Une conséquence curieuse de cette réalité que cite le célèbre généticien Albert Jacquard (La Science à l’usage des non-scientifiques - Calmann-Lévy - 2001) est que pour un centenaire, la moitié du temps parcouru est déjà écoulée à l’âge de 10 ans. En effet, à 10 ans le logarithme de cette durée est 1 alors qu’à cent ans il est de 2. Cela explique ce que tous les vieillards ont expérimenté : l’incroyable rapidité des années vécues plus on se rapproche de la fin. C’est un rétrécissement hallucinant du temps. Albert Jacquard, propose de prendre comme origine, non pas la naissance, mais la conception afin de rester plus près du développement biologique. Avec cette mesure, l’enfant a à sa naissance l’âge 1 (logarithme égal à 0), il atteint l’âge 10 (logarithme égal à 1) vers 7 ans et l’âge 100 (logarithme égal à 2) vers 74 ans. C’est apparemment plus réaliste.
Il serait donc pertinent de prendre non l’âge lui-même pour mesure du temps passé, mais son logarithme quelle que soit par ailleurs l’origine retenue. Pour les dames ce peut-être plus agréable.
Au fait, quel âge avez-vous ?
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