Merci Paul, de votre analyse !
Hélas, cette affiche semble bien être - comme s’il en était besoin - un nouvel étalage du "triomphe de la vulgarité" qui caractérise l’époque.
Je crains de voir encore dans cet universel non seulement un signe, mais un appel au ralliement : "Vulgos de tous les pays, unissez-vous", marchons, marchons...
Car ce que montre aussi cette publicité, ce à quoi elle nous invite, je serais tenté de dire ce à quoi elle nous contraint, c’est l’uniformité comme réponse à notre angoisse d’être libre.
Cette image opère une fois de plus la fusion entre un produit (qui n’est pas sans évoquer les architectures empilées de nos banlieues) et une marque. On vit Quick comme on vit Lacoste ou Nike.
Ce que cette affiche nous envoie dans la figure, dégoulinante et nauséabonde, ne flattant que nos sens primaires comme vous le dites, c’est la pensée unique. Tout le monde chez Quick ! le burger est universel, ce n’est pas nous qui le disons (nulle présence humaine en effet), il s’impose de lui-même, comme une évidence, fonctionnant pour ce qu’on attend de lui : comme un plus petit commun diviseur.
Permettez-moi de citer Denis Jeambar [La pensée unique, in Nouvelles mythologies, Jérôme Garcin, (Seuil)] :
"Ce que respecte le plus notre société, c’est le conformisme. Plus l’individualisme prospère, plus il fabrique de l’uniformité. (...) La liberté semble devenue un fardeau trop lour à porter pour la majorité des êtres. (...) Le culte de la différence a pour corollaire une peur bleue de la quarantaine sociale. (...) On se veut moderne, on se croit unique, en fait on marche au pas".
Maquillage éhonté d’un empilemenbt hétéroclite déguisé en riche diversité, concentré d’égocentrisme (l’art de la table étant l’art du partage), invitation à une (im ?)posture universelle, cette pub "invite chacun à s’évader dans le paradis artificiel d’un narcissisme qui fait consensus" (op. cit.).
Il ne nous reste plus qu’à espérer que ce n’est pas parce que nous le valons bien.