L’anonymat est un moyen (hypothétique en notre époque de traçabilité et d’imputabilité) qui peut servir plusieurs fins, est pas seulement celle des corbeaux.
J’apprécie, Sylvain, la qualité de votre écriture et du développement de votre thèse, mais ne peut y souscrire intellectuellement.
En effet, un moyen peut servir plusieurs fins, et l’affirmation que le choix de l’anonymat d’un auteur implique nécessairement une intention malveillante, est une idéologie (prenez le dans un sens faible et non accusateur, je vous en prie).
Essayez d’imaginer la matière noire dans l’univers des idées, qui ne rayonnera jamais, tout simplement parce qu’indépendamment de la censure, l’autocensure est aujourd’hui très forte, trop forte (les journalistes le reconnaissent eux-mêmes, c’est tacite).
En particulier de nombreux milieux avisés et puissants, en appui sur leur doctrine interne (sciences, politique, philosophie, sociologie, psychologie, industries, …) ne permettent tout simplement pas les décryptages qui lézarderaient ladite doctrine, et cibleraient, en vue de la neutraliser, l’idée ‘hérétique’, à travers le crédit de l’auteur, voire à travers l’auteur lui-même (les leviers sont multiples).
Vous voyez, j’assume, à demi couvert, de penser une idée impopulaire, celle que notre société a besoin de forums d’expression anonyme pour se dépasser, pour réamorcer l’émergence en panne des idées nouvelles.
Si un contenu est inepte, déplacé, agressif, mensonger, dénonciateur, provocateur… c’est-à-dire sans intérêt mis à part pour les sots qui se laissent exciter par des gueux, vous n’avez pas besoin de connaître l’identité de l’auteur pour ne pas avoir envie d’en poursuivre la lecture et encore moins d’y répondre, ou bien à l’opposé, d’y répondre avec une calme véhémence argumentée, et tout aussi anonymement.
Si un contenu bien construit vous semble malgré tout suspect d’être conçu à des fins d’influence sectaire, politique, industrielle, … c’est-à-dire qu’il vous paraît faussement sincère et réellement intéressé… soyez circonspect et assez malin pour le prendre avec les pincettes de votre esprit critique, comme vous le feriez d’ailleurs (je l’espère) avec un texte signé. Vous pouvez faire part de vos doutes, ... anonymement.
Et si un texte anonyme, impersonnel, suscite en vous de nouvelles réflexions, en offrant un angle neuf et éventuellement difficile à assumer en nom propre, sur un sujet de fond ou d’actualité, pourquoi vous en priver au nom d’un principe ?
Le seul risque que j’y vois, c’est que la bêtise s’épuise, que l’esprit critique constructif se développe, et que les manipulations basées sur la duplicité se sentent soudainement mal à l’aise.
Il est clair qu’aujourd’hui, aucune technologie ne le permet et que tout le monde le sait plus ou moins.
Et à mon sens, il en résulte que l’esprit dialectique est en panne.