"(…)la responsabilité, ce n’est pas le pessimisme attentiste et le respect ce n’est pas la peur d’agir".
Certes.
Mais à ce compte-là, la responsabilité, ce n’est pas non plus la prise de risque effrénée, ni le respect, l’action à tout prix.
La Raison serait l’art de la juste mesure.
Il me semble légitime de plaider pour les générations futures, le droit à un monde, sinon intact, du moins pas davantage dévasté que le nôtre ; comme on le lit parfois dans les toilettes publiques : "par respect pour les suivants, veuillez laisser l’endroit aussi propre que vous l’avez trouvé en entrant"
Dans cet exemple trivial, la responsabilité de l’usager des toilettes, c’est de ne pas (trop) les salir, par respect pour les autres usagers. C’est une question morale.
De la même manière, ne pas dégrader le milieu ambiant (social, économique, écologique, etc.), c’est une responsabilité du locataire actuel de la planète vis-à-vis de ses héritiers potentiels.
Ainsi, la question de la prise de risque se pose en termes d’éthique : la responsabilité dans l’action consiste à assumer les conséquences de ses actes. Pour l’acteur responsable en tant que tel, mener une action risquée consiste à faire peser le risque en premier lieu, non sur un tiers, mais sur lui-même. Faire autrement, c’est mépriser le tiers, et ne pas assumer ses responsabilités. Tout comme l’exemple des toilettes, on ne peut pas dire qu’on respecte autrui si, par le fait d’une action délibérée, on le laisse dans la m...
Il me semble qu’a contrario, respecter autrui, c’est bel et bien prendre toutes les précautions nécessaires pour ne pas lui nuire. Incluant les précautions de ne pas LUI faire courir de risque inconsidéré.
« Vouloir éviter tout risque et tout héritage négatif pour les générations futures est une douce utopie et une négation de la vie » : Je ne sais pas d’où vous tenez que la prise de risque serait consubstantielle à la vie : prendre un risque, c’est d’abord une action consciente, décidée par la raison (de quelqu’un qui ne mesure pas les risques, on dit d’ailleurs volontiers qu’il est « inconscient », synonyme d’ « irresponsable »). Or la conscience raisonnée, jusqu’à preuve du contraire, n’est l’apanage que d’une minorité du vivant (Homo Sapiens). Un animal lambda ne prend pas de risque, parce qu’il IGNORE le risque : il agit spontanément, ce qui exclut tout calcul. Or la prise de risque est bien un calcul. C’est pourquoi comme il est dit plus haut, pris à bon escient, un risque se doit d’être mesuré. Ce qui implique d’avoir une idée relativement précise de ses conséquences possibles. La responsabilité consiste alors à faire le choix du risque AU REGARD DES ENJEUX en présence. Exercer son choix au petit bonheur, sans savoir ce qu’il pourra en découler, voilà l’attitude irresponsable.
« Croire en une évolution naturelle du monde qui serait harmonieuse revient à déifier la nature alors que nous nous battons depuis l’apparition de l’humain pour qu’elle ne nous élimine pas » : là encore, sur quoi se fonde cette vision d’une nature intrinsèquement hostile à l’Homme, CONTRE laquelle il faudrait se battre pour survivre ? Ce qui relève de la croyance, c’est considérer l’humain comme DISTINCT de la nature. Ce qui particularise l’humain AU SEIN de la nature, c’est la pente proprement culturelle de son évolution, par laquelle il s’affranchit – très partiellement – de certaines contraintes naturelles. L’harmonie est un concept (de valeur) humain qui ne repose pas sur un fait qui lui soit préalable : c’est pourquoi l’évolution du monde n’est en soi ni harmonieuse, ni dysharmonique : elle se produit, c’est tout, dans le mouvement d’une dynamique universelle. La notion de Dieu est ici superfétatoire ( « Dieu ? Je n’ai pas besoin de cette hypothèse ! » disait Laplace ). A l’inverse, considérer qu’il serait en le pouvoir de l’Homme de s’abstraire des lois naturelles (que malgré toute sa science, il ne connaît qu’infimement), voilà qui revient à déifier la créature.
Eut égard aux énormes capacités acquises par l’Homme d’influer sur le cours naturel, sans nécessairement avoir une vision globale des problématiques qu’il engendre, le choix du principe de précaution apparaît aujourd’hui comme une marque de « bon sens », c’est à dire de Raison.