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Commentaire de Luc-Laurent Salvador

sur Miracle à la Réunion ! Le Christ apparaît au dossier d'un fauteuil


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Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 18 mars 2009 22:33

L’expérience citée plus haut par Faxtronic est due à Solomon Asch, un psychologue d’origine juive qui, après la deuxième guerre mondiale et les atrocités commises alors, avait cherché à prouver que l’homme peut résister à l’influence du groupe.
Il en a été pour ses frais. L’expérience princeps de 1948 a été reproduite de multiples fois, dans différentes cultures et les résultats sont globalement concordants.

(Faut-il le rappeler, quand une expérience ne met pas en évidence un effet, elle ne prouve pas que l’effet n’existe pas, seulement qu’elle n’a pas pu le mettre en évidence. Donc quand l’effet est suffisamment constaté par ailleurs, ceux qui ne voient rien, n’ont rien à dire. A noter au passage que ceci vaut, ceteris paribus, pour toutes les mises en évidence d’effets néfastes pour la santé : micro-ondes, mercure dentaire, ogm, etc. Les lobbies qui ne voient rien devraient se taire au lieu de dire qu’il n’y a pas d’effet)

Mais si j’écris ce post, c’est surtout que j’ai enfin compris de quoi parle Paul Villach avec ses références insistantes à la métonymie et l’intericonicité.
Ce qu’il faut comprendre c’est qu’il ne s’agit pas d’un vocabulaire issue de la psychologie mais plutôt des sciences du langage (réthorique, sémiotique, etc.).
Parler de perception à partir de ces notions est donc un peu surprenant pour un psychologue
Mais je dois dire que ce n’est dénué de sens car en fait Paul Villach pointe là deux phénomènes psychologiques archifondamentaux qui interviennent dans tout processus perceptif et qui consistent à :

  1. aller au-dela de l’information fournie et compléter, en somme, ce qui est perçu par ce que je connais déjà de l’objet perçu et que je m’attends donc à percevoir. Quand je vois une voile sur la mer, il me vient à l’esprit non une voile seule mais un bateau. Quand j’ai dans mon champ de vision un côté seulement de ma tasse, je perçois une tasse entière et non pas seulement son côté visible. Quand vous faites passer un objet, disons un crayon, sur la tache aveugle de votre rétine, vous devriez avoir deux morceaux de crayon, un au-dessus et un au-dessous de la tâche aveugle. Mais l’esprit, basé sur l’habitude, et la connaissance de l’objet crayon, complète le percept de sorte que nous voyons un crayon bien entier. Voilà pour la métonymie. C’est juste rallonger la sauce pour avoir une perception cohérente. Je dois reconnaître qu’à ma connaissance, il n’y a pas d’expression consacrée pour exprimer ce phénomène et c’est dommage car je pense que métonymie est un vocable trop contextualisé pour ne pas égarer quelque peu ici.
  2. faire un appariemment entre deux images, ou entre deux percepts. Le terme le plus adéquat ici, c’est assimilation ou, en anglais "pattern matching". Nous faisons tout le temps, est c’est précisément l’idée que traduit le terme "reconnaître". Pour reconnaître, il faut déjà connaître. Donc vous portez une image en vous qui vous permet d’anticiper une perception donnée. Si la correspondance est bonne, s’il y a appariemment ou assimilation du percept à l’anticipation, on dira qu’il y a eu reconnaissance. La chose intéressante ici, c’est que la tendance à compléter signalée juste avant fait que ceux qui ont une attente perceptive très forte (induite par d’autres, par des croyances) vont compléter tout ce qui manque pour réaliser un bon matching et diront alors avoir "vu" ce qu’ils s’attendaient à voir. Les phénomènes d’hallucination collective viennent de là.
  3. A noter que la tendance à compléter un percept (en vue de satisfaire une attente perceptive) va généralement s’accompagner de la tendance inverse qui consiste à négliger tous les détails discordants. On tend à ne pas voir ce qui ne colle pas à nos attentes, nos représentations. Le fonctionnement conjoint de ces deux processus est ce qui détermine la dynamique d’assimilation et construits ce que l’on appelle les "stéréotypes", c’est-à-dire, les manières rigides de percevoir le monde. Nous en sommes affectés. La tâche essentielle étant d’être capable de modifier ses schémas de pensée et donc de perception. Comme disait Laurent Ruquier, "il faut savoir changer de convictions".
Pour finir, je suis obligé d’indiquer que ces processus étant archi complètement totalement fondamentaux et donc omniprésents, vous n’avez fini d’entendre notre ami Paul Villach y faire référence. Il aura raison de le faire. Mais par expérience personnelle, je sais que viendra le moment où il va lasser.




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