Une différence ultime distingue le TMI du TPIY : la question de la ‘réconciliation’.
La résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU qui a créé le tribunal l’avait justifié comme une institution qui ‘contribuerait à la restauration et au maintien de la paix’, et ses défenseurs arguent fréquemment du fait que poursuivre individuellement les criminels de guerre serait nécessaire pour libérer les divers peuples ex-Yougoslaves du stigmate de la culpabilité collective, facilitant de ce fait la réconciliation entre eux.
Paradoxalement, cependant, il semble bien que ce soit un TMI plus ouvertement justicier, ainsi que ses successeurs de Nuremberg, en déterminant à l’avance quel côté était coupable et en punissant effectivement ceux de ses dirigeants qui avaient survécu, qui ont bien plus efficacement réalisé la réconciliation entre l’Allemagne et les pays qu’elle avait attaqués. En effet, on n’a pas permis à l’Allemagne d’échapper à sa condamnation comme la partie coupable de la guerre, tandis que ceux qu’elle avait attaqués ont pu constater que justice avait été faite.
En revanche, il n’y a aucune raison de penser que le TPIY – qui a refusé de dire quel côté était coupable de la guerre, qui aborde les crimes de guerre sur une base purement individuelle, et qui fourre dans le même sac les criminels de guerre de tous les bords – ait apporté quelle contribution que ce soit à la réconciliation entre les ex-Yougoslaves. Bien au contraire.
Contrairement à ce qui s’est passé après la deuxième guerre mondiale, la communauté internationale n’a pas réussi à faire accepter l’histoire des responsabilités pour les guerres de succession yougoslave, ni à contraindre chacune des parties à l’accepter.
Il s’ensuit que chaque côté continue à se percevoir comme victime du conflit, et à envisager le travail du tribunal purement en termes de la manière dont il poursuit un trop grand nombre de ses propres ressortissants et/ou un trop petit nombre des autres côtés, ou la façon dont les inculpés d’en face ont été acquittés à tort ou ont reçu des peines trop courtes.
Selon l’ étude récente d’une équipe universitaire internationale dirigée par Vojin Dimitrijević et Julie Mertus :
‘L’espoir qu’il [le TPIY] pourrait favoriser la réconciliation entre les peuples de la région ne semble pas s’être réalisé.’
Il y a une leçon à tirer des expériences respectives du TMI et du TPIY : c’est que, en matière de crimes de guerre, il ne peut pas y avoir de vraie justice sans défaite authentique des agresseurs.