César dit que les Boïens sont très pauvres donc ils n’ont pas dû essaimer bien loin. Je me méfie des chiffres de César et de ses migrations de peuples. J’ai l’impression qu’il en a rajouté une couche pour faire dans le spectaculaire. Imaginez l’effet produit sur le peuple qui n’a jamais voyagé : des armées de centaines de milliers d’hommes, des peuples entiers en marche... heureusement que César les a stoppés ! Le pays helvète aurait été complètement vidé de ses habitants ?! La question est de savoir ce que recouvre ces noms. Helvètes, Arvernes, Eduens désignent-ils la masse des paysans ou seulement les membres d’oligarchies guerrières à l’image des Maisons de France, de Bourgogne, de Bretagne ? La « fédération » gauloise de Vercingétorix et le Royaume franc de Philippe Auguste avaient une population de taille à peu près égale, comment le premier a-t-il pu réunir une armée dix foix plus nombreuse ? Quarante-mille habitants à Bourges sur un oppidum de même pas 25 hectares, c’est impensable.
Il ne faut pas oublier qu’on a affaire à des populations paysannes très statiques qui sont littéralement scotchées à leurs terres sous peine de famine. Tout mouvement populaire est soumis à une très forte inertie. Avec un petit nombre d’hommes placés aux bons endroits, on peut facilement contrôler un peuple statique. Il y avait peut-être 250 000 mille hommes d’armes en Gaule à l’époque de Vercingétorix et à celle de Philippe Auguste mais impossible de les mobiliser tous sans faire s’écrouler le système féodal. Ce n’est qu’à partir de Louis XIV lorsque l’armée est devenue royale puis nationale que des effectifs importants ont pu être mobilisés simultanément. Auparavant, ce n’étaient que des osts fournis par un échaffaudage de vassaux qui se méfiaient les uns des autres. Il y avaient des conflits à tous les échelons. Les soldats devaient être répartis sur tous ces échelons. L’échelon de la Gaule était le plus grand mais il ne pouvait accaparer toutes les troupes sous peine d’anarchie. Ce n’est que lorsque Paris a commencé à écraser économiquement la France de la même manière que Rome écrasait son Empire qu’elle a pu imposer une armée unique.