Ce qui me plaît dans cet article, outre sa construction, c’est que j’y retrouve deux questions qui me préoccupent, l’une depuis l’ouverture du fameux débat, l’autre depuis longtemps.
La première, c’est que je m’étais fait, moi aussi, cette remarque sur le double sens possible (tel qu’il est défini par l’auteur) de la locution « identité nationale ». Et que je ne voyais, entendais, lisais que des empoignades passionnées sur le bien-fondé d’un tel débat, que des échanges d’arguments sur sa raison d’être, ses dangers, sa finalité déclarée ou au contraire inavouée (inavouable ?), mais pas grand-chose sur le sens précis des mots utilisés.
Je me sens donc moins seul, et surtout j’aimerais bien, moi aussi, que les promoteurs de ce débat nous disent une bonne fois pour toutes ce que nous avons à définir.
S’agit-il d’une « identité d’avant », forcément un peu fantasmée, un peu idéalisée, déformée par les souffrances, les rancœurs
, parfois les haines de ceux qui ont l’impression d’être envahis par des hordes de parasites ou de barbares irrespectueux, une identité dont la définition rassurerait peut-être les nostalgiques, mais purement inutile, puisque rien ne pourrait permettre de la restaurer, et même fortement nocive considérant qu’elle couperait la France d’aujourd’hui en deux - en gros ceux qui en relèvent et ceux qui n’en relèvent pas - ou au moins accentuerait une coupure qui existe déjà ?
Ou s’agit-il d’une « identité actuelle », un hypothétique tronc commun de valeurs fondamentales qui rassemblerait encore une large majorité des français d’aujourd’hui, quelle que soit leur origine ethnique ? Et en admettant qu’elle existe, que devrions-nous en faire ? De quel ensemble de lois ou de réformes serait-elle le socle ?
L’autre question, plus ancienne, que j’évoquais, est celle de l’identité des juifs de France. D’aussi loin que ce mot ait eu un embryon de sens (et même avant), j’ai toujours pensé être français. Lorsque, très jeune encore, découvrant de vieilles photos familiales, j’appris que la plupart de mes grands oncles et grandes tantes du côté maternel, leurs cousins et cousines, leurs enfants quand ils en avaient, avaient péri dans les camps nazis, par quelque obscur mécanisme de solidarité familiale ou communautaire, je me suis senti juif - n’en déplaise à Marcel Chapoutier : bien qu’athée - sans que cela me semble devoir entrer en conflit avec mon identité indubitablement (selon moi) française.
Beaucoup plus tard, ce n’est pas le procès contre Utopia qui a mettra en doute ma tranquille assurance sur ce point, mais les fameuses « profanations de Carpentras ». Comme beaucoup de français indignés, je participe alors à des manifestations contre le racisme et l’antisémitisme dont semble témoigner ce geste odieux.
Mais à la fin de l’une de ces manifestations, moi qui croyais être venu défendre les valeurs fondamentales de la République, et ni une communauté particulière contre une autre, ni les ressortissants d’un pays étranger contre des français, je découvre avec stupeur en fin de cortège un petit groupe de véhicules kaki portant de jeunes garçons en tenue paramilitaire brandissant de façon agressive des drapeaux israéliens.
Comment décrire ce que j’ai ressenti à ce moment ? Sans m’attarder exagérément sur l’intense bouffée de colère qui m’a envahi sur l’instant - une véritable envie de meurtre - le plus exact est sans doute de dire que j’ai eu l’impression qu’en une fraction de seconde, ils venaient de me priver, en tant que juif, de toute légitimité à me prétendre français.
J’avoue piteusement, aujourd’hui où ce sujet ne me tourmente plus, avoir dans les semaines qui suivirent, interrogé la plupart des juifs de mon entourage pour essayer de savoir si ce qui comptait le plus pour eux était l’état hébreu, leur appartenance à la communauté, ou leur nationalité française. Et très franchement, la plupart des réponses me laissèrent passablement frustré.
Personnellement, sans aucune ambiguïté, je me sens français avant tout, et le reste ne relève que de l’histoire familiale (et de l’Histoire tout court pour ce qui la concerne), mais ne m’impose aucun devoir. Ce qui explique peut-être pourquoi je suis partisan de l’assimilation plutôt que d’une prétendue intégration qui n’est à mes yeux qu’une imposture, un refus de choisir.
Acquérir la nationalité française pour ceux qui ne l’ont pas de naissance, la conserver pour les autres (même ceux qui l’ont « de souche ») suppose à mes yeux d’adhérer à ses valeurs et donc de renoncer non pas globalement à ses racines, à ses coutumes, à sa foi, mais au moins parmi elles à tout ce qui s’y oppose.
C’est peut-être cet ensemble de valeurs que nous proposent de définir les promoteurs du débat sur l’identité nationale. On aurait aimé qu’ils le disent clairement, sans ambiguïté ni contradictions.
07/01 23:38 - Eldann
Ce qui me plaît dans cet article, outre sa construction, c’est que j’y retrouve (...)
07/01 22:33 - hdelafonte
Benoit Mandelbrot (l’inventeur de la théorie mathématique des fractales) avait étudié (...)
07/01 22:19 - hdelafonte
j’adore Henri Guillemin, et je crois avoir lu tout ce qu’il a écrit sur cette (...)
07/01 21:38 - hdelafonte
Bonjour, Merci pour cette précision. Le terme de conversion au judaisme est effectivement (...)
06/01 14:53 - nilasse
article fort interessant,j’ai quand meme relevé quelque chose avec lequel je ne suis pas (...)
06/01 12:58 - Marcel Chapoutier
Ce papier est le meilleur qu’il y est eu sur AV sur la question épineuse de (...)
Agoravox utilise les technologies du logiciel libre : SPIP, Apache, Ubuntu, PHP, MySQL, CKEditor.
Site hébergé par la Fondation Agoravox
A propos / Contact / Mentions légales / Cookies et données personnelles / Charte de modération