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Commentaire de Jesse Darvas

sur Et si le Goncourt n'était qu'un « sous-non Renaudot » ?


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Jesse Darvas Jesse Darvas 14 novembre 2010 10:35

Bonjour Petit Jean

lorsque je dis que Nabe et Houellebecq ne sont pas des romanciers, je mentionne précisément deux points qui pour moi sont constitutifs du roman : la création de personnages et d’intrigues. Quelques grands romanciers : Cervantès, Dostoievski, Balzac, Flaubert, Dickens, Céline, Musil, Proust, Thomas Mann, JC Powys...

Les personnages peuvent être des « transpositions » de personnes réelles (une ou plusieurs) ou bien des inventions pures. Lorsqu’il n’y a pas transposition mais reprise directe de personnages existants dans des scènes réelles (comme dans Lucette par exemple - qui m’a beaucoup touché) on peut appeler l’ouvrage « roman » mais il s’agit de tout autre chose.

Il y a un passage de Nabe’s Dream (je crois) où l’auteur se donne comme programme d’inventer des personnages et de développer des intrigues. Je ne pense pas que l’oeuvre qui suit réponde à ce programme, et il ne s’agit pas d’en faire le « reproche » à Nabe, juste de faire un constat. D’autant que l’art romanesque est aujourd’hui à bien des égards épuisé (du moins en France), et que les écrivains français contemporains les plus intéressants ne sont pas des romanciers au sens que je donne à ce terme (Pierre Michon, Antoine Volodine par exemple).

En caricaturant un peu, on pourrait dire que presque tous les livres de Nabe sont des extensions ou variations autour du Journal, qu’il y ait absentement du narrateur (Lucette), figuration de celui-ci dans des scènes imaginaires qui pourraient être vraies (Je suis mort, Le Bonheur - dont la critique la plus sévère est celle de Nabe lui-même dans son Journal, Alain Zannini) ou disparition totale du récit pour ne laisser la place qu’au pamphlet...

Pour en revenir au sujet de l’article : on pourrait aussi bien inverser la proposition et dire que L’Homme qui... est écrit dans un style houellebecquien... s’il est vrai que l’humour et l’ironie ont largement disparu dans La Carte..., on les trouve au contraire dans L’Homme qui..., livre qui recèle aussi une certaine dose d’énèrvement et d’indignation (par exemple à l’égard des fumistes de l’art contemporain) alors qu’il n’y a rien de tel chez Houellebecq (neutralité totale). Quant au fait que Houellebecq n’a pas réagi, sinon de manière très incidente, au 27ème livre, y voir la preuve d’une obsession nabienne chez Houellebecq c’est partir de la conclusion pour dérouler le raisonnement : car si Houellebecq avait réagi par une longue réponse, un nabien conséquent en aurait déduit de même une obsession nabienne chez Houellebecq. Damned if you do, damned if you don’t...

Et puis, vu les délais , il me semble tout simplement matériellement impossible que Houellebecq ait lu l’ouvrage de Nabe (à supposer qu’il l’ait lu, ce qui n’a rien d’évident ! Topplers doit le savoir...) avant d’écrire le sien.


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