Paris, France — 18/04/2006 - Greenpeace publie aujourd’hui un rapport inédit et réalisé par 60 scientifiques du Bélarus, d’Ukraine et de Russie, qui démontre que l’impact sanitaire de la catastrophe de Tchernobyl a été largement sous-estimé par l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA). Même si des incertitudes subsistent concernant l’ampleur exacte des conséquences de Tchernobyl, le rapport conclut que 200 000 décès dus à la catastrophe ont déjà été constatés ces quinze dernières années en Russie, au Bélarus et en Ukraine. Le rapport indique de plus, qu’à l’avenir plus d’un quart de million de cancers, dont près de 100 000 cancers mortels, découleront de la catastrophe.
Ces chiffres prouvent que le bilan mis en avant par l’AIEA, qui table sur 4.000 décès, représente une minimisation grossière de l’étendue des souffrances provoquées par Tchernobyl. « Vingt ans après la catastrophe, le mensonge nucléaire perdure à l’international comme en France. La volonté de l’industrie nucléaire de cacher ses impacts comme les conséquences de Tchernobyl, ou encore la question des déchets nucléaires en présentant l’enfouissement comme une solution, a pour but de servir ces desseins de renaissance » déclare Frédéric Marillier, chargé de campagne Nucléaire à Greenpeace France. Greenpeace estime qu’il est temps de tourner la page du nucléaire et de construire une autre politique énergétique, axée sur la sobriété, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables.
Basées sur les statistiques nationales du Bélarus en matière de cancers, les données contenues dans le rapport (1) prévoient environ 270.000 cancers supplémentaires provoqués par Tchernobyl, dont 93.000 cancers mortels (2). Le rapport conclut aussi, sur la base des données démographiques que, durant les 15 dernières années, 60 000 personnes sont mortes en Russie, et estime qu’au total le nombre de morts pourrait atteindre 140 000 victimes supplémentaires en Ukraine et au Belarus (3).
Le rapport se penche également sur les autres impacts sanitaires de Tchernobyl et conclut que la radioactivité relâchée par l’accident a des effets dévastateurs sur les survivants : entre autres, des dommages aux systèmes immunitaires et endocriniens, un vieillissement accéléré, une augmentation des déformations chez les foetus et enfants, des aberrations au niveau des chromosomes, ainsi que des maladies cardio-vasculaires, sanguines et psychologiques. Même si des incertitudes demeurent concernant l’ampleur exacte des conséquences de Tchernobyl, des preuves irréfutables montrent que l’accident a eu un impact important sur la santé de millions de personnes habitant une grande partie de la planète.
Au-delà de l’impact direct des radiations, la santé des habitants de l’Ukraine, du Bélarus et de la Russie a également été affectée par de graves perturbations aux niveaux social et économique, suite à l’augmentation du coût du système de soins de santé, la perte de terres agricoles, le déplacement forcé d’environ 300.000 personnes, une force de travail affaiblie ou encore la crise économique qui a suivi la catastrophe.
Ces conclusions contrastent fortement avec les affirmations de l’AIEA (4). En avançant le chiffre de 4.000 cancers mortels sans spécifier que ce chiffre a trait à un groupe restreint de personnes (les 600.000 ’liquidateurs’ et les personnes relocalisées suite à l’accident, alors qu’au moins deux milliards de personnes ont été touchées par les retombées radioactives), l’AIEA tente de minimiser le coût humain de la catastrophe de Tchernobyl. L’AIEA a aussi omis de se pencher sur les impact autres que ceux liés aux cancers et a tenté d’expliquer ceux-ci par une « radiophobie » généralisée.
« Il est regrettable que l’impact du plus grave accident nucléaire soit ainsi minimisé par l’AIEA, souligne Ivan Blokov, chargé de campagne Energie du bureau russe de Greenpeace. Un tel déni des implications réelles est non seulement insultant pour les milliers de victimes, mais remet également en question le mandat même de l’AIEA. Comment, en effet, peut elle prétendre au rôle de gendarme nucléaire mondial si elle ne peut même pas admettre que le nucléaire a anéanti la vie de tant de personnes ? »
Notes :
(1) Le rapport ’The Chernobyl Catastrophe - Consequences on Human Health’, est disponible à l’adresse : http://www.greenpeace.org/france/press/reports/impact-sanitaire-tchernobyl
Le résumé est téléchargeable à l’adresse : http://www.greenpeace.org/france/press/reports/impact-sanitaire-tchernobyl-fr
(2) L’agenda des événements sur la commémoration de la catrastrophe de Tchernobyl est consultable en ligne à l’adresse : http://www.greenpeace.org/france/agenda
(3) Joint Institute of Power and Nuclear Research, Académie nationale des Sciences du Bélarus, Dr.Michail V.Malko, chercheur principal.
(4) Centre of the Independent Environment Assessment, Académie des sciences de Russie, Dr. Veniamin Khudoley (et al.).
(5) Communiqué de presse du 5 septembre 2005.
(6) L’exemple le plus préoccupant en date est celui du réacteur David Besse, aux Etats-Unis. Malgré les contrôles réguliers, des fissures n’y ont été découvertes qu’après une dizaine d’années, et on a frôlé l’accident grave.