Les partisans du « suicide assisté » (ou plutôt : de « l’obligation assignée à l’Etat d’approuver moralement et de réaliser le meurtre de celui qui se considère indigne de vivre ») feront un grand pas en avant quand ils comprendront :
- que ma liberté s’arrête là où commence celle d’autrui
- que ma liberté sera menacée quand je serais affaibli, que mes congénères me regarderont avec dépit, voire même avec un regard accusateur me signifiant que je suis de trop et qu’à ma place, ils auraient depuis longtemps « arrêté les frais »
Celui qui demande à mourir sous prétexte que sa vie ne vaut plus le coup d’être vécue, qu’il est trop grabataire, que c’est trop dur d’être seul... etc... est parfaitement dans son droit (ie : on ne peut pas l’en empêcher).
Par contre, que l’Etat accède à sa requête constitue une transgression très grave : elle revient à approuver la demande du « candidat au suicide », à la définir comme normale. Par là même, cette acceptation condamne tous ceux qui vivent dans un état similaire à celui du suicidaire. Par là même, cette acceptation juge tous ces gens comme des indignes de vivre dont il serait plus normal qu’il demandassent l’euthanasie.
Ajoutons aussi qu’une telle acceptation par la société normaliserait le fait de délaisser nos anciens et de les
laisser crever tout seuls (si c’est trop dur de vieillir seul, c’est leur
problème. Ce n’est pas à nous de les accompagner, de les entourer, c’est à eux de se
suicider ! Ils n’ont qu’à faire comme tout le monde, merde alors !).
Si Papy Mouchot demande à mourir car il considère que pisser au lit et perdre la mémoire n’est pas digne d’un humain, c’est son droit. C’est offensant pour tous ceux qui pissent au lit (de 7 à 77ans, il y en a une palanqué), ainsi que pour ceux qui perdent la mémoire (moi-même par exemple), mais c’est le droit de Papy Mouchot de penser cela. Après tout, Papy Mouchot pense également que la colonisation n’a eu que des effets positifs, on ne peut trouver ça con, mais on ne lui interdit pas de le penser !
La où ça devient problématique, c’est quand l’Etat, quand la communauté des citoyens approuve Papy Mouchot : « Mais oui M.Mouchot, vous avez bien raison, perdre la mémoire et se remettre à pisser au lit c’est vraiment indigne d’un humain ! Vite, il est grand temps de vous redonner la dignité en vous tuant ! ». Quel beau message ! Quel magnifique message de tolérance, d’acceptation des défauts de l’autre, de compassion, d’aide à celui qui souffre ! Comment pourra-t’on alors tenir ce discours tout en évitant de regarder l’énurétique et l’Alzheimer sans l’arrière pensée : « mais vous êtes vraiment trop naze, au point qu’on se demande même pourquoi vous n’ayez pas demandé l’euthanasie ! »
A la rigueur, je trouverais presque moins risqué que l’Etat approuve Papy Mouchot dans ses idées sur la colonisation... au moins ça ne pousserait pas d’autre gens à se sentir de trop !
La normalisation de l’euthanasie ne contraindra (par la loi) personne à subir l’euthanasie contre son gré. Elle se contentera de contraindre le gré de toutes les personnes qui auraient voulu mourir dignement, accepter leurs faiblesses, trouver dans le regard de leur proches de l’affection, de la compassion, de l’amour, du lien humain...
A la place, ces personnes trouveront dans le regard de leurs proches une désapprobation les culpabilisant d’être encore en vie...
Alors que les partisans du suicide assisté subissent cela, je m’en lave les mains, ils n’auraient que ce que leur naïveté leur fait mériter.
Mais qu’ils m’imposent, à moi et à tous les faibles de la société, de vivre cela, c’est hors de question.
Entre imposer aux faibles de se suicider et imposer à ceux qui attendent la mort de patienter encore un peu, il faut faire un choix.
Aussi difficile soit-il d’accepter d’obliger quelqu’un contre son gré (fut-ce à vivre)... sur ce point particulier, je ne peux que m’y résoudre
Pierre