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Commentaire de lloyd henreid

sur Gandhi et la « non-coopération ». Valable en 2011 ?


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lloyd henreid lloyd henreid 31 juillet 2011 14:46

aobc smiley

Je ne vous en veux nullement pour votre intervention.

Moi aussi, j’aime bien les discussions constructives (qui ne sont pas vraiment des « disputes », à mon avis). J’aimerais simplement revenir sur la question du suicide, pour que tout soit bien clair...

Le cynisme dont j’ai fait preuve n’est que l’écho de celui de l’auteur, que je trouve très pertinent. La page d’accueil de mon navigateur web était auparavant celle, par défaut, de mon fournisseur d’accès à Internet (dont le nom commence par un « O »). J’y suivais donc l’actualité d’« O », de jour en jour, avec ses gros titres tapageurs et ses commentaires de lecteurs-réacteurs décérébrés, dans lesquels je retrouvais tous les clichés pré-fabriqués de l’information « mainstream ». Tout est si simple en Occident, nous sommes tous tellement d’accord...

Ce qui m’a conduit à changer de page d’accueil pour un site d’info « alternative », en l’occurrence AV, c’est un article qui parlait de suicide justement. Un ado s’était immolé (« par le feu », précisait-on) devant son lycée, et je crois même qu’il s’en était sorti finalement. Belle tentative tout de même ; très spectaculaire... et dans les commentaires de lecteurs comme dans l’article, chacun y allait de sa petite interprétation du « pourquoi » ce très jeune homme avait voulu se suicider. Pour la plupart des intervenants, cet acte d’une violence extrême était probablement le résultat de simples problèmes de « cœur », de tensions familiales, ou de difficultés scolaires. Rien de plus — surtout, n’y voyez rien de politique !

C’est le même genre de « mobile » qui était invoqué pour le suicide, dans son bureau, d’une institutrice non loin de la ville où je vivais alors. Idem pour ceux qui se jettent par les fenêtres de certaines entreprises leaders en matière de suicide. Bien sûr qu’on parle de leurs conditions de travail ; mais il y a toujours autre chose, une raison plus personnelle et plus triviale d’en finir... l’amour, la famille, la folie, « tout simplement ». Ces gens qui mettent fin à leurs jours ne sont, à en croire les médias, que des gens capricieux qui ne supportent pas d’être contrariés. Et le suicide n’est qu’une solution « facile » et égoïste.

Je ne partage pas cette opinion. Je ne la supporte pas ; alors j’ai changé de page d’accueil. Vous avez raison de dire que le suicide, « ce n’est pas simple du tout ». Ce n’est pas naturel comme démarche. Celui qui prend cette décision ne laisse pas derrière lui que ses petits problèmes ; il laisse aussi les gens et les choses qu’il aime. Il y renonce à jamais pour s’engager dans l’inconnu, le néant, ce qu’il y a de plus terrifiant pour l’homme. Ou pour la femme, parce qu’il y en a beaucoup aussi. Et puis il y a la douleur, l’angoisse de porter atteinte à sa propre intégrité physique, étouffer, faire couler le sang, souffrir et agoniser, conscient, seul face à soi-même... cela n’a rien d’évident.

Des trivialités ne suffisent pas à expliquer qu’on puisse en arriver là.

Le roman d’Huxley dont je parlais précédemment, « le Meilleur des Mondes », se termine sur une image des pieds du « Sauvage » se balançant d’est en ouest, et du sud vers le nord, au bout d’une corde... l’aboutissement d’une démence tellement violente, et d’une souffrance tellement vive, qu’il en vient à se suicider. Le suicide n’y est pas présenté comme une chose « simple », mais comme l’aboutissement normal, inévitable, de la tentative d’incorporation forcée d’un individu dans une dictature utopique qui ne lui convient pas. C’est l’inadéquation qui conduit au suicide : l’individu ayant le sentiment de n’être pas fait pour ce « système », et ce système ne lui offrant aucune alternative, il ne lui reste plus que la mort pour le fuir. Cette façon de conclure l’histoire m’a déçu, sur le coup ; mais à bien y réfléchir, je la trouve très pertinente (et ô combien prophétique).

Ceci pour que vous n’alliez pas croire que je suis un sale type qui crache sur la mémoire des suicidés. J’accueille ce thème avec cynisme uniquement pour faire réagir des gens qui, bien souvent, sont plus cyniques que moi avec cette manière de dire « le p’tit gars s’est pendu parce qu’il s’est fait larguer » (« quel égoïsme, il aurait pu penser à ses parents »). Les choses ne sont pas si « simples », en réalité. Pas si triviales, du moins. Elles sont simples en ce sens qu’elles se résument facilement : le suicide, c’est le résultat de l’inadéquation entre l’individu et le système social, politique, etc. — dans lequel il est contraint de vivre. Mais l’acte en lui-même n’est, en effet, pas simple du tout...

Bien cordialement, et au plaisir de vous relire.


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