Cher Monsieur,
La critique au vitriol que vous vous permettez de me lancer à la figure est aussi choquante qu’injuste.
Votre raisonnement consiste à me disqualifier au motif que
j’étais haut fonctionnaire au moment où ces décisions furent prises. Dès lors, je n’aurais selon vous plus qu’un droit : celui de me taire.
Cette critique est profondément injuste car vous mêlez dans un
même ensemble les responsables politiques et les hauts fonctionnaires.
A l’époque où les faits que je décris se sont produits, je n’étais pas un responsable politique mais un haut fonctionnaire.
Un homme politique est quelqu’un qui a été élu au suffrage universel et qui commande aux fonctionnaires.
Un fonctionnaire n’a pas été élu par qui que ce soit, mais il a réussi un concours d’accès, anonyme et objectif, à la fonction publique.
Un haut fonctionnaire doit obéir à son ministre, même s’il est en désaccord.
C’est le B-A-BA de la démocratie, qui semble vous échapper.
D’ailleurs, quelles
serait votre réaction si le parti politique ayant votre faveur accédait au pouvoir et s’il se heurtait à des
fonctionnaires qui refuseraient de lui obéir ? Je suis prêt à parier que vous estimeriez qu’il faut virer sur-le-champ les fonctionnaires désobéissants, et vous auriez alors raison en termes de démocratie.
Alors ? Mesurez-vous bien vos propos ?
Votre critique est aussi injuste que si vous reprochiez à un professeur d’appliquer en cours le programme qui a été fixé par le ministre de l’éducation. Même si, en son for intérieur, le professeur considère que ce programme est mauvais, il est obligé de l’appliquer. Sinon ? eh bien s’il estime que, non décidément, il ne lui est pas possible d’appliquer un tel programme, alors il en tire les conséquences et il s’engage politiquement, quitte à briser sa carrière.
C’est exactement ce que j’ai fait mais il semble que vous ne parveniez pas à le comprendre. Compte
tenu des diplômes et du parcours professionnel qui ont été les miens, je
pourrais actuellement occuper des fonctions scandaleusement bien
rémunérées à la tête d’un grand groupe industriel ou financier. Je pourrais avoir une rémunération 10 fois supérieure ! J’ai
refusé.
Si j’ai brisé ma carrière de
haut fonctionnaire et si j’ai fondé un parti politique, c’est justement
parce que je ne parvenais plus à concilier mes convictions avec les
obligations professionnelles qui étaient les miennes.
Plutôt que de me critiquer, vous devriez donc au contraire me
féliciter d’avoir fait passer ce que je crois être l’intérêt général
avant mon propre intérêt.
Est-il si certain que tous les gens que vous connaissez eussent agi comme moi
s’ils avaient été à ma place ?
Et vous-même, auriez-vous renoncé à gagner 10 fois plus, et préféré -à la place- vous battre sans moyens pour servir l’intérêt général et la liberté de la France ?
François Asselineau