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Commentaire de Morgane Lafée

sur Les féministes ont raison et j'aurais fait comme elles. Sauf que... (2)


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Morgane Lafée 13 août 2011 17:27

@Daravel :
"S’impose alors ici une vision sexiste du monde,  la supériorité en morale, en sagesse, en « humanité » de la femme sur l’homme. Et là c’est un des points du féminisme que je ne peux accepter…« 

En tant que féministe »universaliste« , c’est-à-dire revendiquant qu’il y ait avant tout une nature humaine et non une nature masculine et une nature féminine que tout opposerait, je vous approuve entièrement sur ce point.
En fait, le discours que vous décrivez est celui des féministes »essentialistes« , qui considèrent que l’homme et la femme ont une nature radicalement différente - vous résumez bien leur pensée dans cette phrase. Il s’agit bien de deux modes de pensées et deux visions du monde différentes, et pas seulement de discours plus ou moins radical.
Pour ma part, je rejette le féminisme essentialiste car il ne correspond pas à ma vision du monde. Des femmes violentes, j’en connais, et des hommes doux comme des agneaux aussi. En revanche, je suis révoltée qu’un certain idéal féminin soit imposé dès la petite enfance aux filles, idéal qui consisterait à dire que son accomplissement ne passera que par la maternité.
A ce titre, le féminisme essentialiste a pour effet pervers de conforter les préjugés sexistes contre les femmes en les associant une fois encore uniquement à des valeurs apparentées à la maternité. On revient finalement au point mort puisque l’idée du féminisme est quand même à la base de réhabiliter les femmes dans la sphère publique (et donc les hommes dans la sphère privée, la notion de domination en moins). Ce féminisme-là est contre-productif. Mais il ne représente pas la majeure partie des féministes. Les femmes qui accomplissent des grandes choses dans des domaines habituellement réservés aux hommes (sportives de haut niveau, chefs d’entreprise, aviatrices, etc) ne se reconnaissent pas là-dedans.

Cela dit, le déni de certains hommes qui affirment que cette domination n’a jamais existé - et dont le but est juste de ne pas renoncer à leurs privilèges - est tout aussi contreproductif puisqu’il a pour résultat de révolter d’autant plus les femmes qui subissent de plein fouet cette domination, par exemple les femmes battues, ou celles qui ont été victimes de viol. Imaginez ce que peut ressentir une femme ayant subi des violences et qui lit ça noir sur blanc ! Son attitude sera logiquement agressive en retour.

D’autre part, accepter l’idée que l’on part d’une situation de domination sociale (remarquez que je distingue le social de l’individuel) des femmes par les hommes ne signifie aucunement culpabiliser les hommes d’aujourd’hui, ni même ceux d’hier. On ne peut pas les tenir pour responsables d’un système qui s’est élaboré sur des siècles, qui a forcément évolué au fil du temps, avec parfois des pas en avant et des retours en arrière, et une situation forcément nuancée. 
Pour faire un parallèle, en tant que personne »blanche« , j’estime que je ne suis pas responsable de la mise en esclavage des Noirs dans le passé. Il n’empêche que cette mise en esclavage a laissé des traces que l’on peut encore constater aujourd’hui. Il est nécessaire de les analyser afin de ne pas reproduire cette aberration et de venir à bout des préjugés racistes.
Réfléchir sur les comportements ne signifie pas culpabiliser les »dominants" mais implique forcément, à un moment ou à un autre, une remise en question de nos valeurs, de notre éducation, de certains réflexes. Pour refaire un parallèle avec le racisme, regardez les canons de beauté hollywoodiens : les Noirs considérés comme les plus beaux sont ceux qui ont la peau claire et les traits les plus proches des Blancs. C’est un exemple, mais il y a d’autres plus pervers, notamment ceux qui passent par la flatterie, comme les Blancs qui présument que telle personne a forcément le sens du rythme juste parce qu’elle est noire. Pour le sexisme, cela se traduit souvent par les propos sur l’instinct maternel, qui implique qu’une femme doit absolument devenir gaga quand on lui présente un bébé devant les yeux. Ainsi, voici ce qui m’est arrivé une fois au boulot : une collègue que je connaissais à peine a un jour amené son bébé, et comme moi et ma voisine de bureau ne nous sommes pas précipitées pour découvrir le petit, on nous a regardées de travers et on a encaissé des remarques désobligeantes (je me souviens en plus que ce jour-là, on avait beaucoup de boulot à terminer et qu’on est donc restées très stoïques).

Quand on parle de repenser la société, il ne s’agit pas non plus de jeter toutes les traditions à la poubelle ni d’imposer à tous un mode de vie qui serait le seul acceptable. Il y a toujours les principes mais aussi les individus - deux choses différentes. D’ailleurs, même dans une société patriarcale comme la notre, certaines font leur petit bonhomme de chemin sans se soucier du regard des autres. Mais l’idéal de la femme parfaite exerce encore une vraie tyrannie (aujourd’hui, elle doit être mère tout en étant sexy à chaque instant de sa vie, lol). Le couple parfait aussi, d’ailleurs, selon les trois signes ostentatoires de domination masculine - l’homme doit être plus âgé, plus riche et plus grand que sa compagne.
L’idée est de venir à bout de cet idéal féminin qui la place en situation d’infériorité sociale par rapport à l’homme. Après, si un couple correspond par accident à cette vision, cela ne regarde personne dès l’instant où l’homme et la femme se sont choisis librement. De même, il ne s’agit pas non plus obliger toutes les femmes à avoir des ambitions professionnelles extraordinaires alors que certaines veulent juste gagner leur pain pour faire tourner le foyer. Juste de permettre à celles qui en ont envie de ne pas êtres freinées par leur appartenance au sexe féminin.


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