Euthanasie
Je prends ce mot verre et je verse dedans le mot eau, puis j’étanche ma soif avec un mot… car il s’agit bien d’un mot… qui fait moins mal qu’un autre… mais qui reste un mot parmi d’autres.
Je suis tout comme n’importe qui, une blessée du langage
Estropiée et peut-être même une handicapée du verbe
Parce que j’ai dû, dans mon plus jeune âge
Voler à mon entourage, quelque parole toxique…
Elle est là…Bien implantée dans ma cage thoracique…
Non, je n’ose pas dire cortex… parce que ça me restitue aussitôt le contexte… qui, quand, comment ? Tous les bons et les mauvais prétextes.
Oui, j’ai été écorchée vive, saignée par une parole en l’air, par un mot de trop… lequel ? Mystère !
J’ai beau le refouler, au fond du fond du fond… il reste toujours sous-jacent…
Inspirer, expirer… pour ce faire, je clique sur ma petite souris de cervelle, pour réentendre ce mot et m’assurer que je suis bien celle que je crois que je suis… un souci !
…
Je suis ici dans votre cabinet, parce que vous prétendez au salut par la parole… alors que je prétends tout le contraire… que la parole est mortelle…
Quelqu’un qui vous dit : j’ai envie de mettre un terme à ma vie… vous ne pouvez rien pour lui ! Et vous ne pouvez rien contre lui.
C’est comme ça que je conçois les rapports humains… à mi-chemin entre l’euthanasie et la paralysie. La paralysie ! Et c’est mon dernier mot.
Accrochez-vous parce que vous n’êtes pas au bout de vos peines !
Vous rendez-vous compte, toute histoire est tributaire d’un mot et d’un seul… le noyau autour duquel gravitent tous les sentiments…
Je te crains, tu me crains… c’est toujours un mot, rien qu’un mot qui domine notre esprit ! Qui nous suit et poursuit et nous rend encore et toujours plus petit !
Le mot qui n’aurait jamais dû être prononcé… je vais vous le révéler… rien que pour m’en débarrasser : J’ai entendu mon père confier à un tiers qu’il n’a jamais aimé ma mère… je ne sais toujours pas pourquoi ça m’a dégoutée de la terre entière !
Je peux aussi vous révéler celui qui a donné et ôté la vie à une vieille amie, Marie Madeleine…
Noli me tangere : « Ne me touche pas » lui dit son bien aimé avant de disparaître dans les nuées.
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