• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Jafar Spitilik

sur La dure vie de l'écrivain, ou le blues des jours sans pâtes


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Jafar Spitilik Jafar Spitilik 17 novembre 2011 08:44

Très drôle. Celui sur Jaenada est pas mal non plus, même si je me suis arrêté à la page 10 du « Chameau » et que je n’y suis jamais revenu...
Mais, ce que vous occultez, c’est que « écrivain raté » n’a jamais été un métier, c’est juste le prétexte social indispensable à celui qui ne veut pas de métier, du rentier sans rente, de l’utopiste sans idéal.
D’ailleurs, comme vous le notez bien, l’écrivain raté n’écrit pas, la plupart du temps. Et je dirais même qu’il n’a aucune envie d’écrire. Le peu qu’il peut, le peu qu’il pond n’est bien entendu jamais à la hauteur, ne peut pas être à la hauteur de la publication ni de son amour-propre. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’a aucune envie de devenir écrivain, cet enfant de putain qui passe sa vie à ragoter dans les cocktails et à minauder dans les signatures. La figure de l’écrivain représente tout ce qu’exècre l’écrivain raté, qui n’a jamais laissé filtrer ses prétentions littéraires dans son entourage que pour pouvoir se complaire dans la jouissance de l’échec. L’écrivain est à l’écrivain raté ce que le gagnant du loto est au gros perdant professionnel des casinos. Une antithèse parfaite, un repoussoir, le Diable de son divin amour de la souille. Comme le flambeur impénitent, l’écrivain raté n’a pas trouvé mieux pour dissiper l’ennui que de passer sa vie à la perdre. Le Grantécrivain n’est que le prétexte mégalomaniaque à son vice du ratage. S’il avait osé, l’écrivain raté aurait bien opté pour une carrière de « Napoléon raté », mais il risquait soit d’être enfermé à l’asile, soit de réussir une carrière médiocre de sous-lieutenant dans l’infanterie. La médiocrité ; c’est ça le vrai problème de l’écrivain raté. Tout ce qu’il voit le déçoit, rien n’a de grandeur à ses yeux, le monde est trop petit et les plaisirs si fugaces... L’écrivain raté ne voit que médiocrité dans tout ce qu’il contemple, dans tout ce qu’il lit. En plein « Hamlet », il imagine un pet de Shakespeare ; en face de la plus belle créature, il ne peut s’empêcher de l’imaginer sur le trône, vaguement constipée, mors aux dents et tripes en vrac. Et il se satisfait d’autant mieux de sa position d’écrivain raté qu’il sait qu’il a un petit ou un grand talent. C’est encore ça de pris, encore ça de gâcher, encore ça que les autres n’auront pas. En réalité, l’écrivain raté n’a d’autres passions que de faire chier le monde - afin que le monde se révèle comme il est, selon lui - et de punir Dieu. Mais, là, j’entre dans des domaines insondables, sans doute. Dostoïeski a écrit des petits trucs pas mal là-dessus - « Le Joueur » et « Les carnets du sous-sol » notamment - ça se lit, quoi... malgré sa gueule de martyr raté et le fait qu’il allait caguer tous les matins, avec difficulté, comme vous et moi...


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès