La pénombre
Je n’en reviens toujours pas, j’ai perdu toute chance de garder le
pouvoir… Je ne suis plus crédible. Je ne suis plus ce que je croyais
être… invincible.
L’ombre
Tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même.
La pénombre
Tu vois, avec le temps, je me rends de plus en plus compte que la
compétence n’y est pour rien… la politique ne peut être une science…
mais un curieux mélange de grâce et de disgrâce…
L’ombre
En politique, c’est le peuple qui fait figure de propriétaire et il
ne suffit pas de faire quelques aménagements pour avoir son assentiment…
il suffit de quelques impayés pour se retrouver sur le pallier.
La pénombre
Je le sais. Je vais perdre les prochaines élections.
Mon devoir, tout le monde en parle parce que j’en ai parlé. Blanc sur blanc… Noir sur noir !
Mais ce que le peuple réclame de l’élu de son cœur, c’est du pouvoir… rien que du pouvoir, pour les dispenser de broyer du noir.
L’ombre
Tu veux que je te le dise : ce n’est pas avec ce genre de discours
que tu as une petite chance de bien repasser ton ego froissé. En
politique, ce n’est pas avec des cassures qu’on panse les blessures,
parce que le rapport au monde est viscéral avant d’être verbal…
La pénombre
Si j’ai bien tout compris, tu me demandes d’en rajouter. Tu me trouves peut-être trop laid pour être vrai…
L’ombre
Oui, à quelque chose près. Tu es toi…
Un gentil, qui a la foi, pas le méchant qui allait mettre fin à leur désarroi.
Je vais t’énoncer un petit théorème : Les dupes ont horreur d’être dupés.
Tu n’es pas bonne sœur… ton job n’est pas de les inciter à se serrer la
ceinture mais de les inciter à laisser tomber le pantalon.
La pénombre
Je suis pied dans le plat… c’est sans doute ça ! Il faut que je cesse
de leur parler de menu, d’entrée, de plat de résistance ou de dessert,
et que je leur apprenne à mettre les couverts… quand on voit les files
d’attente devant certains restaurants… on se dit que les trois quart
n’ont pas faim, mais juste envie de nourrir leur petite vanité.
L’ombre
J’ai l’impression que tu commences à bien distinguer entre ta
puissance et ta volonté de puissance… pour le moment les deux sont
réduites à néant…
Et avec ton récent remaniement, tu n’as fait qu’aggraver la
disproportion… genre style… Petite reine à la traîne qui rappelle les
vieux de la vieille pour paraître moins à l’antenne…
Mais ton peuple ne te suivra pas, parce que ce ne sont pas des
friandises qu’ils réclament de toi, mais : du pain, du vin et du Boursin
! Le peuple ne t’acceptera plus tel que tu es apparu, humble alors
qu’il t’a connu superbe, mesuré après lui avoir inspiré la démesure,
sage après avoir été la folle du logis.
La pénombre
Qu’est-ce que je fais, si je ne puis contenter ni les moins contents,
ni les plus mécontents ? Me retirer du circuit jusqu’à la fin du temps
qui m’est imparti ? Ce que tu me suggères, c’est une mort avant l’heure,
puisque quoi que je dise, quoi que je fasse, ce sera la nuit où tous
les chats sont gris.
L’ombre
Je n’ai rien dit de tel… Il ne suffit pas d’être en accord avec
soi-même, ni de chercher de nouveaux accords puisque tout le monde
connaît la chanson.
La pénombre
On dirait que tu as une idée derrière la tête ? Vas-y, tu peux y
aller, mes conseillers ne sont même plus d’accord entre eux, il ne me
reste plus que toi, tu t’appelles comment déjà ?
L’ombre
Ton alter ego. Ou si tu ne maitrises pas le latin, je suis ton
double… ton apparence qui peut changer d’apparence, qui peut enfin
remplir ton réservoir avec une essence nouvelle, qui te permet de rouler
plus longtemps que tes poursuivants, les semer à l’occasion et leur
donner enfin le coup de grâce qu’ils réclament de leur cheap leader.
La pénombre
Mais toutes mes apparences ont été trompeuses, des coquilles vides dénoncées par une presse hostile et une opinion versatile.
L’ombre
Il en sera autrement, désormais…
Parce que je ne suis ni ton masque, ni ta parure, mais le démon qui
s’agite au fond de ton âme et qui va leurrer en beauté ceux qui t’ont
abandonné et attiré tous ceux qui ne savent plus à quel saint se vouer !
Ton alter ego, sais-tu exactement ce que c’est ? C’est ta part
démoniaque, qui n’a besoin ni d’un Guéant, ni d’un garant pour
reconquérir les cœurs d’une nation qui a perdu la raison.
La pénombre
Tu as une feuille de route ?
http://www.lejournaldepersonne.com/2011/02/je-ne-suis-pas-fol/