@ Jean-Pierre Castel
Sur
la mystique, la spiritualité, la religion, on pourrait faire des pages et des
pages sans se comprendre…
Mais
je vois que vous me répondez en omettant ma référence à Maïmonide. C’est
peut-être parce que j’ai été trop vague. Je croyais vous avoir pourtant déjà
rapporté ces extraits du Guide des égarés de Maïmonide (si oui, excusez-moi, mais mieux
vaut deux fois qu’une) :
Maïmonide est tout à fait clair, explicite, insistant
:
« Dieu, »parfait en actes", intervient
bien pour exercer ou commander de très justes massacres d’êtres humains.
"Nous trouvons, au nombre de ses actions qui se manifestent sur les
hommes, de grandes calamités qui fondent sur certains individus pour les
anéantir, ou qui enveloppent dans leur destruction des familles, et même une
contrée entière, font périr plusieurs générations à la fois et ne laissent ni
culture ni progéniture, comme, p. ex., les croulements de sol, les tremblements
de terre, les foudres destructrices, l’expédition faite par un peuple contre
un autre pour le détruire par le glaive et pour effacer sa trace« (c’est moi qui souligne). Ces actions de Dieu
»sont nécessaires pour gouverner les états ; car la suprême vertu de l’homme
est de se rendre semblable à Dieu autant qu’il le peut, c’est-à-dire que nous
devons rendre semblables nos actions aux siennes…".
Maïmonide donne même ici une intéressante explication
sur la fameuse précision contenue dans le Décalogue : "je suis un Dieu
jaloux, châtiant la faute des pères sur les fils, sur la troisième et sur la
quatrième génération« (Ex. 20,5). »On s’est borné", dit
Maïmonide, "à quatre générations, parce que l’homme ne peut voir de sa
postérité que tout au plus la quatrième génération. Ainsi, lorsqu’on tue la
population d’une ville livrée à l’idolâtrie, on tue le vieillard idolâtre et sa
race jusqu’à l’arrière-petit-fils, qui est l’enfant de quatrième génération..
On a donc, en quelque sorte, indiqué qu’au nombre des commandements de Dieu (je
souligne) qui indubitablement font partie de ses actions, est celui de tuer les descendants des idolâtres,
quoique jeunes enfants, pêle-mêle avec leurs pères et leurs grand-pères.
On
ne peut se rassurer en imaginant que, comme c’est le cas ailleurs dans Le
Guide des égarés, l’auteur expose ici
un point de vue qui n’est pas le sien pour mieux le critiquer ensuite. Bien au
contraire ces énoncés sont d’autant plus terribles qu’ils viennent dans un
chapitre exposant ce qui semble le plus largement reconnu comme un apport
précieux de la pensée de Maïmonide : Les « attributs » bibliques sont
des allégories. Dieu commande bien des massacres mais il le fait "en
raison du démérite de ceux qui sont punis« ; on ne doit en aucun cas y voir
»des actions comme celles qui, chez nous, émanent d’une disposition de
l’âme, savoir, de la jalousie, de la vengeance, de la haine ou de la
colère". C’est d’ailleurs ainsi que ce passage sur la prétendue juste
violence pratiquée et voulue par Dieu se veut édifiant : "celui qui
gouverne l’état, s’il est prophète« doit bien »faire disparaître tous
ceux qui se détournent des voies de la vérité« , »un acte qu’exige la
raison humaine" mais il doit le faire en prenant Dieu pour modèle et en
tentant d’oublier ses mauvaises motivations humaines "à tel point qu’il
doit ordonner de brûler un individu, sans éprouver contre lui ni indignation,
ni colère ni haine, n’ayant égard, au contraire, qu’à ce qu’il lui paraîtra
avoir mérité, et considérant ce que l’accomplissement de cet acte a de
souverainement utile pour la grande multitude".
Maïmonide ajoute enfin, comme le font presque toujours les auteurs de
textes, sacralisés ou non, qui affirment et justifient la violence de Dieu :
"Malgré tout cela, il faut que les actes de miséricorde,
de pardon, de commisération et de bienveillance, émanent de celui qui gouverne
l’état, bien plus fréquemment que les actes de punition…" C’est là le
fameux second volet dont se contentent les croyants sans exigence et sans
cohérence -on pourrait dire « de spiritualité superficielle »- et plus
gravement encore les responsables religieux tricheurs qui s’expriment de nos
jours après les massacres les plus révoltants commis au nom de Dieu et de la
religion.
C’est là aussi la base de la
lâcheté des responsables laïcs qui se refusent à mettre en application ce
nécessaire et urgent devoir républicain : exiger des responsables religieux
qu’ils mettent leur religion en situation de compatibilité avec les Droits de
la personne humaine."
J’avais mis ça, en juin
2002, dans un texte que j’avais titré, justement "La spiritualité
matérialiste" (ou Spiritualité et criminalité).
Cordialement. P.R.