J’ai retrouvé ce qui m’avait conduit à réfléchir sur l’immédiateté
http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/education-le-culte-de-l-125600
Dany Jack-Mercier qui a écrit cet article tire à boulets rouges sur l’immédiateté que recherchent ses élèves.
Je regrette de n’avoir pas eu, à l’époque, envie de lui répondre, de n’avoir pas participé à cette discussion.
La problématique est selon moi la suivante :
Quand le bébé est avec sa mère toute à lui, surtout s’il ne sait même pas la distinguer de lui, il vit une enstase (plénitude intérieure, vraiment intérieure, domaine où il n’existe aucun mot, rien ayant quelque allure médiatique). Situation très économique.
Au fur et à mesure qu’il grandit, ça se complique.
Il a déjà à faire la différence entre sa mère et lui.
L’enstase se brise probablement déjà.
Il éprouve les premières idéations relationnelles.
Posons que sa psyché complète (conscient et inconscient) ait la nostalgie de l’enstase.
Elle formerait comme une sorte d’aimant qui dirigerait toutes ses idéations vers elle.
Mais il se retrouve soumis à mille interpellations externes, complexes à gérer.
Il parvient à en résoudre quelques unes « Je souris et hop, ma mère me revient toute à moi, toute repossédée, toute contenue en moi, toute réenveloppée par mon entreprise externe ».
Il y a donc solution pour revenir vers l’enstase mais elle passe par l’extérieur, par la négociation avec quelque sorte de tiers, par quelque médiation.
Mais il découvre que ses quelques retours à l’enstase sont fugaces, éphémères et qu’il doit s’investir de plus en plus dans l’externe pour réenvelopper sa mère qui ne manque plus une occasion de se barrer, de papoter avec la voisine, avec les pigeons.
Comme la soluce pour revenir à l’enstase passe par le développement de l’activité médiatique, cette médiateté devient le but superficiel.
Le mec semble de premier abord ne vouloir que la Ferrari mais son objectif de fond, passé dans l’inconscient, est de retrouver des câlins avec quelque mère de substitution et en toute immédiateté. Il passe par la Ferrari parce qu’il a cru remarquer que les mères de subtitution voire la sienne, matent les mecs qui en ont une. Et comme la Ferrari n’est pas facile à atteindre, il fixe dessus et elle ressort en allure de but ultime. Il croit qu’il ne désire plus que le média et que vivre une immédiateté avec de média peut le combler (il y a des mecs qui couchent avec leur Ferrari)
Mais cette course pour envelopper, circonscrire, l’horizon des regards de ces mères de substitution afin de les contenir, cette course qui oblige à se situer soi-même sur ces lignes d’horizon, qui oblige à s’externaliser, qui offre l’extase quand on a l’impression de s’y trouver sur cet horizon, est épuisante d’autant qu’il y a de la concurrence.
L’individu se retrouve donc à utiliser deux biais : Un premier winner qui va essayer de le porter au lointain pour devenir ce lointain et un second looser qui ira à dénigrer le lointain afin de ramener le regard des mères de substitution à des choses plus banales.
« Maman regarde Einstein mais je ne parviens pas à le rejoindre. Alors je vais foutre le feu aux rideaux ou choper la crève et elle sera bien obligée de regarder par ici »
En classe l’élève est tenté de suivre le prof vers les grands horizons mais s’il échoue ou s’il se fait insulter par les camarades qui ne parviennent pas à suivre, il va dénigrer les grands espaces et inciter chacun à se contenter de l’immédiateté, de ce qui est à portée de main, il va dessiner l’arc-en-ciel sur sa porte, sur les murs de sa chambre et dire « C’est ici que ça se passe et pas ailleurs »
Si on laisse de côté la problématique des camarades cancres qui vont à crier au fayotage, un élève a tendance à performer ou stagner selon l’horizon du regard de sa mère. Ce qui fait que dans les familles à parents possédant un regard très lointain, les enfants sont obligés de se porter au très lointain. Ceux dont les parents ont des regards ne portant que jusqu’au bout de la rue, n’ont aucun intérêt à s’externaliser.
Pour qu’un prof attire au loin ses élèves, même ceux qui ont des parents à horizons limités, il ne devrait pas être affecté par les cancres mais essentiellement leur montrer comment il jouit au lointain. Il doit leur montrer le spectacle de l’extase. Le prof doit être très loin et sembler toucher ou incarner l’arc-en-ciel.
Il doit aussi montrer qu’il danse avec ses élèves les plus engagés. Ce groupe prof + élèves performants doit montrer qu’il jouit à toucher l’arc-en-ciel. C’est ça qui peut inciter les autres à le suivre.
Alors qu’un prof consterné par la paresse de ses élèves ne leur offre que le spectacle de la vanité de l’externalisation. « Pourquoi vais-je me casser le cul à réfléchir pour me retrouver dépité et déprimé comme mon prof ? »
Là, sur le dernier papier de Dany, j’ai proposé de faire des maths, de montrer comment on peut s’extasier de maths en les abordant immédiatement.
« Le problème et moi, en face à face, Moi et le Sphinx, plus rien d’autre ne compte »
Et bien Dany n’a pas réagi. Il n’a pas dansé avec les maths devant nous. Il n’a pas immédiaté avec le sphinx.
Il n’a fait que discourir sur sa misère d’enseignant. Et les autres intervenants aussi. Pour l’instant en tous cas.