Vous voyez bien que nous ne pouvons pas changer l’Europe de l’intérieur. Cela fait plusieurs dizaines d’années que nous sommes engagés sur cette voie et pourtant les résultats attestent que cela ne fonctionne pas. Il suffit de regarder comment les institutions européennes traitent les États comme la Grèce, le Portugal et l’Espagne.
Pour changer réellement les choses, nous devons nous porter en exemple en suivant une politique qui nous appartient. Les pays voisins suivront si telle est leur volonté. S’agissant des coopérations, il est évidemment nécessaire d’en mettre en place, mais sans passer par la technocratie bruxelloise.
Vous dîtes qu’il faut désobéir aux traités européens. Cependant, cet agissement est lourd de conséquence en terme diplomatique. Il faut bien comprendre que lorsque vous êtes engagé dans un contrat et que vous décidez de ne pas respecter les obligations qui en découlent, vos cocontractants sont en droit de faire de même. En réalité, la diplomatie exige que les États respectent le droit international.
Selon vous, il convient dans un premier temps de lister les directives auxquelles la France aura décider de ne plus se soumettre. Vous omettez néanmoins plusieurs aspects fondamentaux parmi lesquels le droit communautaire est composé de plusieurs niveaux de législation :
- le droit primaire : Ce sont les traités européens qui ont une valeur supérieure à la loi française. Ceux-ci instaurent notamment le libre-échange mondial sans contreparties qui entraîne les délocalisations, la désindustrialisation et la destruction de notre agriculture, le démantèlement des services publics par la mise en concurrence avec les entreprises privées, l’interdiction faite aux États de se financer par leur propre banque centrale, la monnaie unique inadaptée à l’hétérogénéité des économies nationales, etc...
- le droit dérivé : Ce sont les règlements européens décidés à Bruxelles qui sont d’application directe. Et les directives européennes qui sont des textes votés au Parlement européen pour lesquelles les États membres doivent appliquer une transposition en droit national en étant libre sur les moyens à utiliser pour atteindre un objectif défini.
Aujourd’hui, entre 60% à 80% des lois françaises sont des simples transpositions de directives ou de jurisprudence communautaire.
Le droit communautaire est dans son ensemble de valeur supérieure au droit français (cf : pyramide de Kelsen). Ainsi, un gouvernement dit de droite ou de gauche, ne peut mener uniquement la politique qui est décidée à Bruxelles. Les marges de manœuvre sont inexistantes car les compétences transférées aux institutions européennes sont extrêmement nombreuses (cf : compétences partagées, compétences exclusives et compétences d’appui). Elles décident de la politique économique, sociale, environnementale, industrielle, commerciale, agricole, fiscale et maintenant budgétaire (via le fameux MES complété par le TSCG).
Vous dîtes en second lieu, qu’il faudra proposer une « autre dynamique ». Sachez néanmoins que les pays membres de l’U.E n’ont pas tous les mêmes visions de ce que doit être le rôle central de la B.C.E et de la gestion de la monnaie qui est le socle fondamental de l’économie. Les Allemands veulent un euro fort et une inflation inexistante pour satisfaire leurs exigences de compétitivité et de vision économique. Cependant, la France requiert une monnaie plus faible et une inflation plus importante. Comment se mettre d’accord ? C’est mathématiquement impossible. Les votes à la B.C.E se font à la majorité et les grands banquiers qui contrôlent cette institution indépendante des États sont tous pour le maintien du statu quo des marchés financiers et du système bancaire actuel.
Encore une fois, si nous souhaitons « proposer une autre voie » il faut montrer l’exemple par la mise en place d’une politique exemplaire qui donnera envie aux autres pays. Mais ce n’est pas dans le cadre des institutions européennes, dominées par les lobbies et les compromis divergents que cela est envisageable. Force est de constater que les Grecs, les Portugais, les Espagnols et les Italiens en font les frais un peu plus chaque jour.
J’espère avoir répondu clairement à vos interrogations, toutes aussi légitimes les unes que les autres.