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Commentaire de LAFFITTE Jacques

sur Lettre ouverte au Grand Rabbin Gilles Bernheim


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LAFFITTE Jacques LAFFITTE Jacques 18 janvier 2013 11:47

@ Folacha / Luc-Laurent-Salvador et Fatale/ Blacmatter et à toute personne intéressée.


Les débats parfois vifs entre commentateurs montrent à quel point on se sent vite blessé dès qu’il s’agit de ce qu’on est ou peut être « en propre » c’est-à-dire dès que (re)surgit le pb de notre identité, de ce qu’on est (ou de ce qu’on croit être) en propre (c’est-à-dire en notre for intérieur) et pas seulement « au figuré » c’est-à-dire selon ce qui nous est dit « que l’on est ».

Car il convient d’examiner cette notion d’identité, sa latitude très variable, ses connotations et perceptions qui sont très variables selon les cultures, les religions, les sociétés.

Voici quelques éléments pour simplement donner à réfléchir sur la labilité de cette notion et donc sans vouloir imposer de doctrine-dogme ni même loi (bien qu’il y en ait soit d’état-civil , soit religieuse, soit d’usage sans oublier internet ou l’on se donne de nombreuses identités) :


Imaginons un enfant né par exemple d’une mère canadienne, d’un père espagnol et dont la naissance s’est effectuée sur le territoire français : quelle est l’identité d’état-civil de cet enfant ? En fait il a trois nationalités. Et s’il se marie avec une ressortissante d’un pays qui donne la nationalité par mariage il pourra avoir quatre identités nationales. Et s’il fait des enfant qui naissent sur un autre territoire donnant la nationalité par identité « du sol », cela complexifie encore. Ceci en restant pourtant dans le cadre d’un mariage hétérosexué.


Sur le plan psychologique et de la vie sociale, force est de constater qu’en tant que « vécu » nous avons plusieurs identités sociales : on est défini par ce qu’on dit immédiatement après avoir dit son nom quand on se présente : son métier. Mais on est aussi, par exemple, syndicaliste au sein de ce métier. Et on peut avoir des comportements très différents au travail (à cause des collègues, de l’image de soi qu’on veut donner aux collègues, au patron, etc.) de nos comportements à la maison.


Même si on est adulte, marié, parent, on est, on reste l’enfant au sens de fils-fille de ses propres parents qui ont parfois du mal à se rendre compte qu’on n’est plus des enfants...


Au club de foot ou autre activité de loisirs dans laquelle on prend des responsabilités (membre actif, président, trésorier, etc.), on a peut-être des comportements qui surprennent (en bien ou en mal, peu importe) ceux qui sont habitués à nous voir sous un autre jour (« je croyais pourtant bien le connaître... »), etc.


Chaque religion nous dote d’une identité nouvelle, et au sens fort, souvent par un nouveau nom ou prénom. Elle nous dote d’une filiation soit directe ou indirecte avec (parfois un ou des dieu(x)) toujours avec des ancêtres supposés ou réels, peu importe, qui continuent de régir notre vie de tous les jours par leurs commandements d’une époque très reculée ; mais aussi par des éléments forts qui structurent notre vision du monde, des événements et nous incitent à les lire de telle ou telle façon qui peut entrer en contradiction avec des éléments de savoir ignorés à l’époque de l’élaboration de ces éléments ou « commandements » .


Mais ce peut être le cas d’une idéologie qui tout en se réclamant de l’athéisme peut fonctionner comme une religion en imposant une téléologie (fins dernières, buts de société, etc.) voire une transcendance historique ou humaine comme l’a été le communisme (nouveau genre humain, sens de l’Histoire, changer le monde, les rapports sociaux, etc.). Elle induit, identité, rapports de sujétion, voire de filiation symbolique (« petit père des peuples ») etc.


Evidemment, sur internet, nous jouons beaucoup avec cette notion d’identité, comme en littérature on prend aussi des pseudonymes et on considère cela comme notre droit le plus fondamental. Cela nous permet d’enrichir la palette de « ce qu’on est » de facettes qu’on n’indique pas forcément à tout le monde, qui font partie de notre vie privée et de notre droit à avoir plusieurs « existences » autant sur le plan imaginaire que symbolique.


Enfin à propos de la conférence d’Aude Mirkovic (vidéo 1 à 9.30) elle énonce, concernant l’adoption et le symbolique, des choses d’une grande imprécision ou qui témoignent d’une compréhension erronée de la dimension symbolique : « Le fait que les parents adoptifs ne soient pas les parents biologiques ne pourra plus être compensé par la mise en place du lien symbolique de la filiation, mise en place nécessitant un cadre cohérent au regard des exigences de la biologie pour procréer c’est-à-dire un père et une mère ».


La notion de « cohérent » est floue et donne à bon compte l’impression d’être un argument imparable alors que le contenu en est vide ou est simplement le présupposé qui devient « fondement » ou preuve alors qu’il n’est pas démontré. Idem pour « au regard de » « la biologie qui requiert un père et une mère pour procréer » : c’est précisément ce qui change avec les diffé&rentes formes de PMA.


Dans le cs présent, si l’on soutient la proposition exactement contraire on aboutit à un énoncé beaucoup plus exact et même vérifié par les faits c’est-à-dire par la réalité de ce qui se passe dans les familles adoptantes : Le fait que les parents adoptifs ne soient pas les parents biologiques pourra être compensé et est dans les faits compensé « naturellement » (c’est-à-dire dans et par la vie courante familiale et affective des liens et positions) par la mise en place du lien symbolique de la filiation (qui s’effectue par les « faits » de ce que vit l’enfant). Rappelons que les liens de filiation, d’affiliation, de « lien avec » ne sont pas enracinés dans le biologique mais dans ce qui « tient lieu ». On parle ainsi de « figure paternelle » ou « maternelle » fonction qui est remplie parfois et même souvent sans que la personne n’en ait le titre (la nourrice, ou la grand-mère, ou l’oncle ou le voisin avec lequel l’enfant aime aller bricoler « il m’apprend à réparer j’ai compris comment fonctionne une tondeuse, ça me plaît je veux faire ça plus tard, etc... ». La fonction symbolique c’est tout simple et il n’est pas besoin de diplôme de psy pour remplir la fonction (parfois la personne n’en est même pas consciente (« oui il s’intéresse ce petit, il est bien, il a de l’idée ».


Aude Mirkovic assène d’un ton tranquille des énoncés dogmatiques qui ne tiennent pas sur le plan psychologique de la construction de la personnalité. Elle dit par ex. : « ...ne peuvent pas lui donner une origine symbolique » Mais on peut presque dire que n’importe qui peut donner une origine symbolique à quelqu’un : les religions ne s’en privent pas ! On peut même en changer ! C’est ce qui fait que l’homme n’est pas une machine et qu’il a aussi une liberté dont il use pour se re-configurer et ainsi modifier « ce qu’il était ». Même le mariage, le fait de devenir parent, vous change puisque de simple époux ou épouse vous devenez père ou mère !

La formule de J-P Sartre reste pertinente : « L’important n’est pas ce qu’on a fait de l’homme, mais ce qu’il a fait de ce qu’on a fait de lui ».

Cordialement à tous.

J.L.


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