@ Henrique, Rabelais quelle horreur !
RABELAIS
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LA VIE TRES HORRIFICQUE DU GRAND GARGANTUA PERE DE PANTAGRUEL.
Jadis composée par M. Alcofribas, abstracteur de Quinte Essence.
Livre plein de Pantagruelisme.
AUX LECTEURS
Amis lecteurs, qui ce livre lisez,
Despouillez vous de toute affection ;
Et, le lisant, ne vous scandalisez :
Il ne contient mal ne infection.
Vray est qu’icy peu de perfection
Vous apprendrez, si non en cas de rire ;
Aultre argument ne peut mon cueur elire,
Voyant le dueil qui vous mine et consomme :
Mieulx est de ris que de larmes escripre,
Pour ce que rire est le propre de l’homme.
PROLOGE DE L’AUTEUR
BEUVEURS tres illustres, et vous, Verolez tres precieux, -
car à vous, non à aultres, sont dediez mes escriptz, - Alcibiades, ou dialoge
de Platon intitulé Le Bancquet, louant son precepteur Socrates, sans
controverse prince des philosophes, entre aultres parolles le dict estre
semblable es Silenes. Silenes estoient jadis petites boites, telles que voyons
de present es bouticques des apothecaires, pinctes au dessus de figures
joyeuses et frivoles, comme de harpies, satyres, oysons bridez, lievres cornuz,
canes bastées, boucqs volans, cerfz limonniers et aultres telles pinctures
contrefaictes à plaisir pour exciter le monde à rire (quel fut Silene, maistre
du bon Bacchus) ; mais au dedans l’on reservoit les fines drogues comme baulme,
ambre gris, amomon , musc, zivette, pierreries et aultres choses precieuses.
Tel disoit estre Socrates, parce que, le voyans au dehors et l’estimans par l’exteriore
apparence, n’en eussiez donné un coupeau d’oignon, tant laid il estoit de corps
et ridicule en son maintien, le nez pointu, le reguard d’un taureau, le visaige
d’un fol, simple en meurs, rustiq en vestimens, pauvre de fortune, infortuné en
femmes, inepte à tous offices de la republique, tousjours riant, toujours
beuvant d’autant à un chascun, tousjours se guabelant, tousjours dissimulant
son divin sçavoir ; mais, ouvrans ceste boyte, eussiez au dedans trouvé une
celeste et impreciable drogue : entendement plus que humain, vertus
merveilleuse, couraige invincible, sobresse non pareille, contentement certain,
asseurance parfaicte, deprisement incroyable de tout ce pourquoy les humains
tant veiglent , courent, travaillent, navigent et bataillent. A quel propos, en
voustre advis, tend ce prelude et coup d’essay ? Par autant que vous, mes bons
disciples, et quelques aultres foulz de sejour , lisans les joyeulx tiltres
d’aulcuns livres de nostre invention, comme Gargantua, Pantagruel, Fessepinte,
La Dignité des Braguettes, Des Poys au lard cum commento, etc., jugez trop
facillement ne estre au dedans traicté que mocqueries, folateries et menteries
joyeuses, veu que l’ensigne exteriore (c’est le tiltre) sans plus avant
enquerir est communement receu à derision et gaudisserie. Mais par telle
legiereté ne convient estimer les oeuvres des humains. Car vous mesmes dictes
que l’habit ne faict poinct le moyne, et tel est vestu d’habit monachal, qui au
dedans n’est rien moins que moyne, et tel est vestu de cappe Hespanole, qui en
son couraige nullement affiert à Hespane. C’est pourquoy fault ouvrir le livre
et soigneusement peser ce que y est deduict. Lors congnoistrez que la drogue
dedans contenue est bien d’aultre valeur que ne promettoit la boite,
c’est-à-dire que les matieres icy traictées ne sont tant folastres comme le
titre au-dessus pretendoit. Et, posé le cas qu’au sens literal vous trouvez
matieres assez joyeuses et bien correspondentes au nom, toutes fois pas
demourer là ne fault, comme au chant de Sirenes, ains à plus hault sens
interpreter ce que par adventure cuidiez dict en gayeté de cueur. Crochetastes
vous oncques bouteilles ? Caisgne ! Reduisez à memoire la contenence qu’aviez.
Mais veistes vous oncques chien rencontrant quelque os medulare ? C’est, comme dict
Platon, lib. ij de Rep., la beste du monde plus philosophe. Si veu l’avez, vous
avez peu noter de quelle devotion il le guette, de quel soing il le guarde, de
quel ferveur il le tient, de quelle prudence il l’entomme , de quelle affection
il le brise, et de quelle diligence il le sugce. Qui le induict à ce faire ?
Quel est l’espoir de son estude ? Quel bien pretend il ? Rien plus qu’un peu de
mouelle. Vray est que ce peu plus est delicieux que le beaucoup de toutes
aultres, pour ce que la mouelle est aliment elabouré à perfection de nature,
comme dict Galen., iij Facu. natural., et xj De usu parti. A l’exemple
d’icelluy vous convient estre saiges, pour fleurer, sentir et estimer ces
beaulx livres de haulte gresse , legiers au prochaz et hardiz à la rencontre ;
puis, par curieuse leçon et meditation frequente, rompre l’os et sugcer la
sustantificque mouelle - c’est à dire ce que j’entends par ces symboles
Pythagoricques - avecques espoir certain d’être faictz escors et preux à
ladicte lecture ; car en icelle bien aultre goust trouverez et doctrine plus
absconce, laquelle vous revelera de très haultz sacremens et mysteres
horrificques, tant en ce que concerne nostre religion que aussi l’estat
politicq et vie oeconomicque. Croiez vous en vostre foy qu’oncques Homere,
escrivent l’Iliade et Odyssée, pensast es allegories lesquelles de luy ont
calfreté Plutarche, Heraclides Ponticq, Eustatie, Phornute, et ce que d’iceulx
Politian a desrobé ? Si le croiez, vous n’approchez ne de pieds ne de mains à
mon opinion, qui decrete icelles aussi peu avoir esté songées d’Homere que
d’Ovide en ses Metamorphoses les sacremens de l’Evangile, lesquelz un Frere
Lubin, vray croque lardon , s’est efforcé demonstrer, si d’adventure il
rencontroit gens aussi folz que luy, et (comme dict le proverbe) couvercle
digne du chaudron. Si ne le croiez, quelle cause est pourquoy autant n’en ferez
de ces joyeuses et nouvelles chronicques, combien que , les dictans, n’y
pensasse en plus que vous, qui par adventure beviez comme moy ? Car, à la composition
de ce livre seigneurial, je ne perdiz ne emploiay oncques plus, ny aultre temps
que celluy qui estoit estably à prendre ma refection corporelle, sçavoir est
beuvant et mangeant. Aussi est ce la juste heure d’escrire ces haultes matieres
et sciences profundes, comme bien faire sçavoit Homere, paragon de tous
philologes, et Ennie, pere des poetes latins, ainsi que tesmoigne Horace, quoy
qu’un malautru ait dict que ses carmes sentoyent plus le vin que l’huille.
Autant en dict un tirelupin de mes livres ; mais bren pour luy ! L’odeur du vin,
ô combien plus est friant, riant, priant, plus celeste et delicieux que
d’huille ! Et prendray autant à gloire qu’on die de moy que plus en vin aye
despendu que en huyle, que fist Demosthenes, quand de luy on disoit que plus en
huyle que en vin despendoit. A moy n’est que honneur et gloire d’estre dict et
reputé bon gaultier et bon compaignon, et en ce nom suis bien venu en toutes
bonnes compaignies de Pantagruelistes. A Demosthenes, fut reproché par un
chagrin que ses Oraisons sentoient comme la serpilliere d’un ord et sale
huillier. Pour tant, interpretez tous mes faictz et mes dictz en la
perfectissime partie ; ayez en reverence le cerveau caseiforme qui vous paist de
ces belles billes vezées, et, à vostre povoir, tenez moy tousjours joyeux. Or
esbaudissez vous, mes amours, et guayement lisez le reste, tout à l’aise du
corps, et au profit des reins ! Mais escoutez, vietz d’azes, - que le maulubec
vous trousque ! - vous soubvienne de boyre à my pour la pareille, et je vous plegeray
tout ares metys.
Aller sans rancune pied tendre.... !
06/05 21:51 - philouie
Je voudrais essayer de récapituler au moins en quoi nous sommes d’accord : le fait de (...)
06/05 21:39 - philouie
Alors, vous comment faites vous pour ramener cette jeunesse à la morale ? C’est une (...)
05/05 16:48 - Henrique Diaz
Philouie, (j’espère que vous trouverez ces réponses, pas facile au bout d’un moment (...)
05/05 15:58 - Henrique Diaz
Ce paradoxe peut se résoudre facilement si on prend garde que ce qu’il y a de moral dans (...)
05/05 15:47 - Henrique Diaz
Nous discutions de savoir si tous les hommes veulent la liberté ou non. Manifestement quand on (...)
05/05 15:00 - Henrique Diaz
Eric, Le précédent message répond plus en détail à votre avant-dernier message. Sur le (...)
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