@ l’auteur,
Je trouve étonnant qu’on ne voit pas davantage d’articles de ce genre.
Etant psychologue et plutôt bien au fait des problèmes de l’éducation, je ne doute pas une seconde que la souffrance des enseignants soit très réelle et très douloureuse car il n’est quasiment rien de pire dans un contexte professionnel que de sentir que la situation vous échappe.
Le sentiment de perte de contrôle est le plus ravageur pour l’estime de soi et lorsque l’effort est poussé à la limite sans résultat aucun vient le « burn out » qui traduit l’état d’épuisement psychique et physique.
Bien sûr, tous les enseignants ne sont pas promis au burn-out, à la démission ou au suicide, mais les pleurs et les grincements de dents vont très probablement continuer à augmenter comme ils n’ont cessé de le faire depuis des années.
Bref, le tableau est tout sauf réjouissant. Il est douloureux, incontestablement.
Maintenant, face à un tel tableau, la question c’est naturellement d’en comprendre la cause.
Il va de soi qu’il y en a une ribambelle qui viennent de loin. On pourra donc accuser qui on voudra, ça fait du bien, ça soulage, mais il est douteux que cela fasse avancer le schmilblick.
Les seules causes intéressantes à prendre en considération sont celles sur lesquelles on peut agir.
Et la principe cause sur laquelle l’enseignant peut agir, c’est sur lui-même, sur sa pédagogie donc.
Je n’entends pas tirer sur l’ambulance, cad sur une corporation en réelle souffrance avec un stress grandissant mais il me paraît clair que le temps de la remise en question fondamentale des pratiques éducatives est venu.
Il est dommage que la refondation soit passée complètement à côté de son sujet.
La clé me paraît en effet tenir à la question citoyenne par excellence qui est celle du respect, des autres, de ses engagements, des règles et des lois.
Ce respect, les élèves n’y ont jamais eu droit sauf exceptions individuelles. Car il y a des enseignants qui ont la « grâce », cad, qui ont des dispositions naturelles pour être dans la bienveillance respectueuse qui apaise les élèves ou qui savent poser un cadre respecteux de l’élève, un cadre démocratique puisque basé sur des règles bien explicitées et convenues par les intéressés.
Cela arrive, il en existe, mais ils sont l’exception ; il faudrait donc une formation à la hauteur pour généraliser ces pratiques efficaces.
J’ai évoqué la question de la violence éducative et de la socialisation démocratique dans un article précédent intitulé : Refondation : de la violence éducative à l’éducation démocratique - AgoraVox le média citoyen
.
En voici une citation qui résume le point de vue :
Sans même en avoir conscience, parents et enseignants se croient encore
dans l’Ancien Régime. Ils pensent encore qu’ils ont pouvoir sur l’enfant et qu’ils peuvent se prévaloir d’un statut d’autorité.
Ils n’ont pas vu qu’au cours du siècle dernier,
avec la complicité des publicitaires et des adultes consentants, les
enfants ont fait leur révolution de sorte qu’il n’y a plus d’enfant.
Les
êtres qui viennent à l’école sont d’ores et déjà des
sujets
, ils ont pris la parole et demandent à corps et à cris
le respect de leur libre-arbitre. Dès lors, nous devons en prendre acte
et leur donner ce respect demandé de la manière la plus absolue qui
soit, ce qui veut dire sans renoncer à les éduquer puisqu’il est de la responsabilité des éducateurs de satisfaire aux besoins de l’enfant.
Il me semble que seule l’éducation démocratique basée sur l’accord, sur
la co-construction de la loi commune permet de résoudre la mise en
équation des volontés de l’enfant et de l’adulte, de l’élève et de
l’enseignant.
Si c’est la paix que nous voulons dans les écoles et non
la guerre, l’enseignant doit renoncer à la pédagogie de la
toute-puissance qui a prévalu depuis toujours et s’engager avec ses
élèves dans une dynamique d’accord, une pédagogiede co-construction de
lois communes qui seront autant d’objectifs que l’élève aura fait siens
et qu’il sera désireux d’atteindre.
Dès lors, il serait souhaitable que les enseignants fassent un
inventaire lucide et renoncent en conscience à leurs outils barbares :
engueulades, cris, menaces, brimades, sanctions arbitraires (encore trop
souvent physiques) et tout l’attirail du parfait tyran éclairé qui
outille leur pédagogie spontanée.
Ne pourrait-on imaginer qu’à plus ou moins brève échéance, selon un
échéancier concerté, la loi leur ôte tout droit au rapport de force pour
les amener, avec toutes les formations nécessaires, à ne fonctionner
qu’en référence à ce qui fait accord (principes, règles, lois, etc.) ?
La République a besoin d’une école démocratique qui accueille ses
élèves dans le respect absolu des sujets en devenir qu’ils sont d’ores
et déjà. Il faut en finir radicalement avec la violence éducative car
elle expose les élèves à des enseignants qui, selon leur personnalité,
parfois perverse, pourront exercer de véritables formes de harcèlement
moral en toute impunité puisque c’est alors l’élève qui sera vu comme
« mauvais » et comme méritant le sort qui lui est fait.