1) Je vais commencer par la fin, puisque vous y indiquez votre position « officielle ». Vous dites qu’il faut demander l’avis des Syriens, et c’est absolument vrai ! Pour cela, il faut organiser des élections libres et pluralistes, ce que n’a jamais le parti Baas dans ce pays en quarante années au pouvoir. Ce point suffit à nous faire connaître ce qu’est la dictature des Assad, ainsi que son manque criant de légitimité. Car comment pouvez-vous affirmer qu’Assad a le soutien du peuple syrien, quand il n’y a pas eu d’élection libre et pluralistes en Syrie pendant toute la durée des règnes d’Assad et de son père ? Je vous prie de répondre à cette question.
Pour le reste, je trouve que vous êtes allé vite en besogne. Vous ne réagissez pas vraiment à mon post, vous restituez quelques uns de mes arguments, mais en fait vous ne les entendez pas vraiment. Par exemple, j’aurais aimé vous voir réagir à la question du « terrorisme institutionnel » en Syrie ; or vous ne faites que vanter les mérites du régime d’Assad, ce qui est un peu contradictoire car dans le même temps, vous avez l’air admettre que ce régime n’est pas une démocratie. J’aimerais que nous soyons clairs : le régime d’Assad est-il, selon vous, un régime démocratique ou dictatorial ? C’est aussi la question de sa légitimité ; car il n’est pas acceptable qu’un gouvernement se constitue, dans un pays quel qu’il soit, par lui-même, dans un splendide isolement, de manière autarcique, sans être passé par la case « élections », aujourd’hui dans le monde actuel.
Soyons clairs aussi sur le fait qu’Assad n’est pas un réformateur et qu’il n’a mis en oeuvre aucune réforme véritable en Syrie depuis qu’il est arrivé au pouvoir il y a quand même 10 ans ; il est par contre un bon marchand de sable mais pour être convaincus par ses féroces campagnes de communication, il faut, à vrai dire, être déjà acquis à sa cause !
2) Ceci posé, entrons dans plus de détails. Tout d’abord, je n’aime pas les comparaisons — mais qu’importe. Vous dites que la démocratie et les libertés fondamentales « post-modernes » ne sont pas transposables dans des pays qui n’y sont pas préparés. Vous donnez deux exemples : la Russie en 1990 et l’Irak après 2003. Il faut quand même rappeler que la Russie a choisi un modèle économique qui favorisait l’émergence de personnalités influentes, qui concentraient des fortunes colossales : les oligarques. Elle a choisi un modèle capitaliste très rude qui, en fait, remontait un XIXe siècle et à la Révolution industrielle ! Cette bévue a jeté une grande partie de la population russe dans une misère noire et a favorisé l’ascension de Poutine et de son idéologie nationaliste et impérialiste radicale. Un contre-exemple : la Pologne. Elle aussi pays dictatorial, qui a opéré une heureuse transition démocratique à la chute du communisme. J’aurais aussi pu citer les pays baltes, l’ex-RDA, la République Tchèque, la Roumanie (qui a bien connu une révolution très dure, ceci me permet de répondre, en partie, à votre affirmation du point 6)... Alors évidemment, les choses ne sont pas roses, il y a des problèmes économiques et parfois beaucoup de corruption, mais les élections sont, dans tous ces pays, pluralistes et libres.
3) J’ai dis plus haut que vous restituiez mes arguments, en fait pas vraiment. Vous avez mal compris Rousseau ; la révolte n’est pas une « soupape de sécurité », elle est une explosion. Elle n’est pas un phénomène contrôlé et salvifique, elle est ce qui arrive quand on prive les gens de leur libertés individuelles. Ni plus, ni moins. Je continue mes corrections : j’ai dis qu’Assad avait été plébiscité sur un programme de réformes, c’est vrai, mais vous, vous opérez un raccourci entre cette assertion et le fait supposé qu’il aurait vraiment mis en oeuvre ces réformes ! Hors, il y a entre ces deux points un gouffre immense que le régime syrien n’a jamais cherché à combler. De la même manière, quand vous donnez la liste des soi disants réformes qu’aurez faites Assad en 2011, par exemple le droit de manifester, vous considérez comme acquis que ces réformes aient véritablement été mises en oeuvre ! Or, je vous rappelle qu’Assad a déjà passé dix ans au pouvoir et que ces dernières années, le régime syrien n’a fait que se durcir. En cela, parce qu’il s’entète et qu’il refuse d’apprendre, Assad est comparable à un Ceausescu ou à un Khaddafi et il y a fort à parier qu’il finisse par connaître leur tragique destin.
Donc, quant à vous, vous pratiquez ce petit sport qui s’appelle la déformation de propos !
4) Prétendre qu’Assad n’est pas au courant et n’est pas complice ou commanditaire des actes de tortures perpétrés dans ses geôles relève tout simplement de la mauvaise foi. Cet autre sport, visiblement, vous le pratiquez aussi.
5) Pour conclure, j’aimerais que vous publiiez vos sources, car il est facile de critiquer ce que vous appelez les « médias de masse » (c’est-à-dire quoi exactement ? La télé, le Figaro...) tout en faisant le poseur et en prétendant avoir accès à une information authentique et libre, comme une vérité à laquelle nous, simples mortels, ne pouvons prétendre. Donc j’attends des titres précis. Je vous rappelle que, pour ma part, je me documente exclusivement à partir des dépèches de l’AFP, du Monde, de Libération et du Figaro (à vrai dire, il y a aussi Le Point et parfois Le Courrier International). Une fois que vous aurez produit vos sources, on rediscutera de ce qui s’est vraiment passé au printemps 2011, qui marque le point de départ de la crise syrienne telle que nous la connaissons le mieux, mais qui en réalité est bien plutôt le point d’aboutissement de quatre décennies d’une dictature odieuse.
Enfin, vous ne répondiez déjà pas à ma première question (oui ou non, votre soutien affiché au régime d’Assad est-il lié à votre propre opposition personnelle, compréhensible du reste, à la politique, ou l’absence de politique, du gouvernement Hollande ? La crise syrienne est-elle une soupape pour votre mécontentement ?). J’aimerais que vous répondiez au moins à celles que je vous pose ici. Sans positionnement clair de part et d’autre, on ne pourra pas avancer vous et moi.