Cher
monsieur (puisque je ne connais pas votre prénom),
Tout
d’abord, quand j’écris un article, je ne cherche pas nécessairement à être « utile ».
Pour cela, il y a les militants œuvrant les domaines politiques ou sociaux. J’écris
parce que j’ai envie de parler de quelque chose en particulier. En l’occurrence
ici, ce titre-là, que j’ai bien aimé. Il y en avait d’autres, en Corée ou
ailleurs, mais j’ai choisi celui-là car cette actualité m’a inspiré le propos
développé dans cet article.
L’industrie du disque sud-coréenne est, comme ses cousines américaine ou française,
gouvernée par d’affreux multimilliardaires sans scrupule. Ce qui n’empêche pas
certains artistes de talents d’exister dans la multitude de
« produits » offerts par ces labels, et ce, même s’ils devront remplir
un certain cahier des charges. C’est l’éternel conflit entre l’artiste désirant
s’adresser au plus grand nombre, et le businessman qu’il lui en donne les
moyens. Cependant, les productions proposées par ces industries étant écoutées
par des millions de personnes, elles méritent que l’on s’y attarde, ne
serait-ce que parce qu’elles parlent de leur public. Ainsi, la pop américaine
parle non seulement des Etats-Unis mais aussi de nous, puisque nous en sommes
clients. Il en va de même aujourd’hui pour la pop coréenne : aujourd’hui,
il y aurait 200 000 Français qui écouteraient de la K-Pop (chiffre avancé
dans un récent reportage France 2). Vous pouvez ne pas aimer la K-Pop « commerciale »,
mais la manière dont elle s’est répandue en Occident sans aucune stratégie de
la part des labels (la stratégie est venue après, quand ils ont pris conscience
du succès) ni distribution dans nos boutiques est inédite. Et moi, j’aime le
fait qu’elle apporte un contrepoids à la culture pop américaine. C’est
peut-être là l’utilité de mon article que vous réclamez tant.
Je
vais maintenant me permettre d’interpréter votre réaction.
Si
vous réagissez ainsi, c’est pour raison simple : vous considérez que la
K-Pop n’est pas légitime comme sujet d’article. Du moins pas autant que la pop
américaine ou anglaise. En gros, ce qui vient d’Asie doit rester en Asie, à
part si cela a pour but de nous cultiver ou à la limite si cela présente ce
continent comme misérable – en Occident, on adore regarder les autres pays être
misérables. En revanche, si j’avais fait le même article sur un artiste
américain, vous ne vous seriez pas posé autant de question. Pas plus que vous
ne vous êtes posé de question quand tous les journaux, sites, blogs et réseaux
sociaux ont commenté la sortie du film Gravity (100 millions de dollars de
budget, et je ne compte pas le marketing) ou de la dernière saison de Game of
Thrones (60 million de budget rien que pour la saison 1). Cherchez l’erreur.
Considérer
que les sujets ayant trait à certains pays vont de soi, alors que d’autres,
venant d’autres régions de la planète, doivent trouver une justification, ça s’appelle
l’ethnocentrisme. Et cela montre aussi à quel point nous sommes complètement dominés
par la culture populaire américaine.
Je
soutiens que pour écrire sur un titre de K-Pop, il ne faut pas plus de
justification que pour écrire sur un titre anglais ou américain. Compte tenu de
son succès à travers le monde, parler de Taeyang me semble tout aussi normal
que de parler de Justin Timberlake. Vous pouvez ne pas l’aimer mais son
actualité est guettée par des millions de personnes à travers le monde.