@ Soi même
Votre véhémence offre un défi intéressant.
Qu’est ce qui fait chez vous un féroce obstacle à une approche démocratique de l’éducation ?
Je crois que vous nous donnez la réponse à cette question lorsque vous affirmez ceci :
« Car vous prenez l’enfant pour un adulte et en aucun, c’est un adulte. »
C’est à partir de cette certitude que vous croyez pouvoir affirmer qu’il est illusoire de vouloir amener l’enfant à :
"respecter des engagements librement consentis
sous peine de sanctions elles aussi préalablement et librement
consenties."
Pardonnez l’explication qui va suivre
mais je ne peux pas ne pas reconnaître ici le principal défaut de la
pensée philosophique qui consiste à traiter des choses en terme de
catégories élévées au rang d’absolu de sorte qu’il n’existe aucun moyen
terme (cf. le principe du tiers exclu)
Selon cette pensée
canonique mais néanmoins simplette, une chose est A ou non A, et rien
d’autre. Ce qui peut s’illustrer par la boutade philosophique selon
laquelle il existe deux sortes d’homme : ceux qui répartissent toute
chose entre deux catégories et les autres...
En référence à une époque lointaine, on a appelé ça, entre autres, du manichéisme.
Il
faut reconnaître que c’est très utile pour penser dans l’abstrait, dans l’idéal mais
dès qu’on vient aux choses concrètes, ça crée des catastrophes parfois
aussi comiques que celle consistant à affirmer que l’homme est un bipède
sans plumes.
Pour vous, par définition un enfant n’est pas un
adulte donc c’est folie que de penser retrouver chez lui des compétences
qui sont celles de l’adulte.
Sauf qu’une multitude de
compétences qui sont celles de l’adulte sont aussi celles de l’enfant :
respiration, digestion, langage, communication, intention, effort,
réflexion, calcul, etc., l’enfant le fait très bien.
Dès lors où
est la limite si ce n’est dans l’arbitraire sociétal qui consiste à
poser que tel est adulte et tel ne l’est pas parce qu’il a un tel ou tel
âge biologique jugé suffisant (en France c’est 18 ans, ailleurs c’est
davantage ou parfois beaucoup moins (12, voire même 7 ans me
semble-t-il)) ?
Le caractère arbitraire de ce découpage est, je
crois, peu contestable car nous savons tous que nombre de personnes de
plus de vingt ans ne sont pas adulte et nombre de jeunes, adolescents ou
enfants le sont devenus prématurément en raison de trajectoires de vie
difficiles et donc exigeantes.
Ceci dit, je ne fais pas partie de ceux qui veulent nier l’existence de l’enfance pour en faire des adultes de plein droit.
Non,
non, non, l’enfant a droit à l’enfance, cad, entre autre chose, à
l’éducation, qui le prépare à devenir
l’adulte... qu’il n’est pas
C’est là où la pensée catégorique coince : dans le devenir adulte.
Je vous le rappelle, le devenir n’existe pas pour qui pense seulement en terme de A ou non A.
C’est
d’ailleurs pourquoi il y avait chez les Grecs cette idée folle que le
mouvement n’existe pas (cf. le paradoxe de Zénon d’Elée qui était une
tentative de démonstration).
Roland Magdane a joué de cela avec son sketch sur la date de péremption des boîtes de conserve.
Il se demandait ce qui se passait dans la boîte à minuit quand de consommable elle devenait périmée.
C’est pareil pour votre logique catégorique : elle est incapable d’expliquer le devenir adulte.
Rien d’essentiel ne se passe dans une personne au moment où elle a juste ses 18 ans.
Elle change instantanément de statut social : de mineure, elle se retrouve la seconde d’après majeure.
Elle a le droit de signer des contrats en son nom, elle devient responsable d’elle-même, etc.
C’est idiot mais c’est comme ça que ça fonctionne socialement parlant.
Conclusion : nous n’avons aucun besoin de préparation pour devenir adulte au sens sociétal du terme.
Il suffit pour cela de survivre jusqu’à ses 18 ans.
L’éducation par contre prépare au devenir adulte au sens psychologique
du terme, et par exemple, celui dont vous parle Morpheus en référence à
l’analyse transactionnelle.
Et comment se prépare-t-on à devenir autre chose que ce que l’on est ?
je vous le donne en mille...
En faisant « comme si » on était déjà ce que l’on veut devenir.
C’est cela en quoi consiste l’essentiel des jeux des enfants : le
« »faire semblant« qu’on est des grands » et, ce faisant, pratiquer le
rôle, s’entraîner et donc, acquérir progressivement les compétences qui
permettront un jour, au terme de l’apprentissage, de sortir du jeu pour
entrer, fin prêt, dans l’âge adulte.
Autrement dit, on devient adulte en ne cessant de faire comme si on l’était déjà.
Corollaire : on devient un sujet, citoyen de plein droit, libre autant que responsable par un constant entraînement à "respecter des engagements librement consentis
sous peine de sanctions elles aussi préalablement et librement
consenties."
CQFD
Ce qu’il vous faut comprendre ici qui devrait vous rassurer c’est que
l’enfant ne cesse pas d’être sous la tutelle de l’adulte parce qu’il se
trouve engagé dans une pédagogie institutionnelle basée sur la
co-construction des règles de vie.
L’adulte continue d’être le garant responsable de la sécurité de l’enfant.
Et c’est précisément cela qui permet le libre exercice de ses
compétences d’acteur social éduqué au rapport démocratique plutôt qu’au
rapport Ancien Régime de soumission à l’autorité.
Bon voilà, je pense n’avoir rien oublié d’essentiel.
Je compte sur vous dans l’éventualité où ça ne serait pas le cas
Pour finir, je joins juste après une citation excellent d’un psychologue
de qualité, Edmond Marc, qui fait le point sur la coopération enfantine
et dit excellemment ce que je n’ai que laborieusement pointé.
18/02 14:15 - Luc-Laurent Salvador
Merci ObjectifObjectif pour ces informations très intéressantes. Je vous sens très motivé et (...)
18/02 14:03 - Luc-Laurent Salvador
Je précise néanmoins qu’iil m’a été donné de rencontrer nombre de familles qui ont (...)
18/02 13:58 - Luc-Laurent Salvador
Je m’empresse de préciser, bien sûr, que je parle seulement d’éducation. Le travail (...)
18/02 13:56 - Luc-Laurent Salvador
Ce que Georges Brassens a vécu me semble pouvoir se comprendre davantage sous l’angle de (...)
15/02 11:25 - ObjectifObjectif
qui était Evrard ? un enfant violé que personne n’a écouté cf minute 8 de la seconde (...)
14/02 11:36 - ObjectifObjectif
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