"La coopération
Piaget proposait de suppléer aux insuffisances de la discipline
imposée du dehors, qui aujourd’hui, en plus, entraîne de moins en moins
d’adhésion, par une discipline intérieure fondée sur la vie sociale des
enfants eux-mêmes. Il montre, par exemple, que ceux-ci, dans leurs jeux
collectifs, sont capables de s’imposer des règles qu’ils respectent
mieux que les consignes édictées par les adultes. Là où l’école réduit
la socialisation intellectuelle et morale de l’enfant à un mécanisme de
contrainte, il faudrait miser sur les riches potentialités qu’offre la
vie sociale des enfants entre eux. Citons encore Piaget :
« La coopération des enfants entre eux présente [...] une
importance aussi grande que l’action des adultes. Du point de vue
intellectuel, c’est elle qui est le plus apte à favoriser l’échange réel
de la pensée et la discussion, c’est-à-dire toutes les conduites
susceptibles d’éduquer l’esprit critique, l’objectivité et la ré-flexion
discursive. Du point de vue moral, elle aboutit à un exercice réel des
principes de la conduite, et non pas seulement à une soumission
extérieure ».
C’est le fondement des méthodes dites « actives » ou « nouvelles »
(Cousinet, Freinet, Decroly...) qui, en partant de la vie sociale des
enfants, ont cherché à favoriser sinon l’« auto-gestion » des
apprenants, du moins une « cogestion » où l’enseignant joue un rôle
important d’organisation, de stimulation et d’élucidation. À voir les
noms que l’on vient de citer, on se rend compte que ces méthodes
« nouvelles », qui ont largement fait leurs preuves, ont aujourd’hui un
âge respectable ; pourtant elles ont été incapables, malgré le soutien
des pédagogues et des psychologues, d’ébranler sérieusement la
forteresse inexpugnable de la pédagogie traditionnelle. C’est un
phénomène historique impressionnant qu’il faut s’efforcer de comprendre."
in Edmond Marc (2013) Les enseigants face à la psychologie.