Les langues régionales
ont-elles été supprimées par la république française, ou
l’ont-elles été par leurs locuteurs eux-mêmes ? La situation
est plus complexe, car les deux ont pu être vrais à certaines
époques. Dudule a raison de faire valoir que les locuteurs de
langues minoritaires ont parfois eu une attitude de dépréciation active envers leurs parlers, l’usage du terme patois étant lui-même
dégradant et méprisant. Il est juste cependant de préciser que ce
mépris de leurs langues leur avait été inculqué par la propagande
et les pratiques coercitives de l’Etat. Pratiques rapellées par
cedricx et Jean-Michel Lemmonier, consistant à stigmatiser et
réprimer physiquement l’usage de ces langues. Les locuteurs ne
pouvaient guère que développer une défiance, pour ne pas dire une
aversion envers leur langue natale.
Il faut cependant préciser
que si ces pratiques sont spécifiquement républicaines, l’attitude
de l’Ancien Régime n’ayant jamais été que celle que Dudule
attribue à la République, et encore en nettement moins soutenue,
certaines provinces avaient sous la monarchie développé des
politiques de francisation de leur propre chef. En Bretagne,
notamment, où le français avait déjà été déclaré langue
officielle au détriment du breton avant son rattachement au royaume
de France. Aux 17 et 18ème siècle, en Basse-Bretagne, le français
était déjà considéré par les gens instruits comme la langue bien
comme il faut, et le breton comme la langue des gueux. Ce genre de
situation n’était pas spécifique à la France. En Suisse romande et
en Val d’Aosta, ainsi qu’en Savoie d’avant l’annexion, le français a
été introduit par des élites aux détriments des dialectes
arpitans/franco-provençaux, dont il n’a par leur faute jamais existé
de version unifiée. Il y a deux ans, j’avais lu sur un forum
anglophone une réplique amusée d’un posteur anglais à un
nationaliste écossais qui s’offusquait du mépris de nombreux
anglais pour le gaélique, relevant selon lui du même mépris pour
les traditions et la culture écossaises, réplique qui affirmait que
puisque le dénigrement du gaélique relevait d’un vieux sport
national en Ecosse, son interlocuteur devrait après tout respecter
cette tradition. Il est exact que le mépris des responsables de
l’ancien royaume d’Ecosse pour le gaélique est bien établi,
notamment parce qu’ils avaient inscrit leur préjugés dans la loi.