C’est une vision très limitée de l’histoire et des relations de pouvoir, mais vous l’avouez vous-même, et j’ai trouvé votre narratif plutôt drôle à défaut d’être sérieux et engageant. Je ne vous ai pas donné de plus pour autant.
Quelques points qui m’ont fait sourciller au point de vouloir les commenter :
« Fallait-il idéaliser l’homme en seigneur tout-puissant pour pouvoir l’abattre sans scrupule ? Alors que ce que l’on découvrait en réalité, c’était la fragilité masculine ? Etait-ce si compliqué à l’intelligentsia bourgeoise dont Freud faisait partie, de voir que les hommes, qui travaillaient aux champs ou à la mine, n’avaient rien de ce héros sublime et haï ? »
La fragilité masculine...maintes femmes contemporaines de Freud n’ont pas attendu que celui-ci déballe ses fantasmes pour dévoiler cette fragilité propre à l’humanité et non cantonnée au corps biologique et psychique de la femme. Rosa Mayreder en est un exemple frappant de lucidité. Le problème restait que ces bonnes femmes, épouses de l’intelligentsia au pouvoir, n’avaient aucun pouvoir socio-économique et culturel, et donc celui de faire des discours et de les propager dans la sphère publique. Il faudra attendre que notre société évolue un peu et que des philosophes et psychanalystes comme Kristeva et Luce Irigaray osent se foutre des discours dominants (lacaniens notamment) pour que l’envie de penis et le tout-puissant phallus s’affaissent enfin et laissent place à d’autres narratifs - et donc ouvrent à d’autres possibilités de vécu.
« Mais l’usine avait besoin de femelles chasseuses, toujours au top, et pas de mères avec leurs fluctuations ni avec la puissance de leur regard, de leur parole sur le monde. »
Historiquement parlant, la puissance du regard d’une femme, et de leur parole sur le monde, est plutôt difficile à recenser. Avant la fin du XXème siècle, vous pensez à qui exactement ? la Vierge Marie ? (pour le regard, parce que la parole, elle l’a plutôt laissée à d’autre héros sublime et haï...) La Reine Victoria ? Les seules femmes qui ont laissé des traces avec leur regard et leur voix avant les années 50 dans nos sociétés occidentales, ce sont des créatures du spectacle, des chanteuses, des danseuses à poil (à la Joséphine Baker) et quelques écrivains et artistes qui se cachaient derrière des pseudo masculins ou derrière leurs maris ou amants... éclairez-moi svp.
« La femme salariée ou PDG a fini d’être cette icône maternelle qui maintient la vie. »
la femme PDG, ça coure les rues en France, mais c’est bien sûr...
« Elle n’est plus qu’un objet pour émissions télé psychologisantes, elle n’est plus qu’un simple individu ayant troqué son habit de mère, pôle cardinal, contre le bikini, symbole de la société ultra-verticale et consumériste du divertissement. Aujourd’hui l’image est ancrée dans les esprit : la femme est bien devenue un objet, ce qu’elle alimente elle-même par la mode et le soin de l’apparence ou la parade dans les cercles universitaires post-gauchistes. »
La femme n’a surement pas attendu les années 60 pour être cataloguée du binaire mère ou pute et d’être objectifiée à toutes les sauces. Tous nos musées et galeries d’art pullulent de mères, de saintes et de putes, dans toute catégorique sociale et à toute époque historique. Au 19ème siècle, le plus puritain en Europe, la femme faisait l’objet d’un double-standard écoeurant dans le domaine de la sexualité. La ’libération’ de la femme pendant les années 60 a été reprise par le système capitaliste rampant et en a fait ce que vous décrivez comme un symbole pathétique de la société de consommation - c’est un fait, et bien regrettable. Le féminisme ’post-gauchiste’ (je vous cite) le condamne autant que vous et apporte des solutions qui ne passent pas par un retour en arrière (à une pseudo mère sanctifiée). La femme n’est pas une image que vous pouvez façonner à votre idée, une mère à la popote, et une pute/une vierge dans votre lit. La femme d’aujourd’hui ne se limitent pas non plus à une bande de greluches en monokini dans les média (Femen et co.) ou à des cheftaines de service marketing en manque de pénis. La femme d’aujourd’hui se cherche (et se trouve ailleurs que dans ces exemples médiatiques et non-représentatifs) et se façonne à son idée, que ça vous plaise ou non. L’image de l’homme en prend un coup, c’est sûr, mais ma génération de femmes n’a jamais douté de la fragilité de nos pères et amants, ni de leur faculté à évaluer avec leur temps.