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Commentaire de Pyrrhos

sur Воистину воскрес ! Vraiment ?


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Pyrrhos 19 juin 2014 10:37

Alors, j’aimerais faire une mise au point très courte sur le sujet. C’est un peu tard, je m’en excuse, mais je ne suis tombé dessus qu’hier (j’avoue que j’ai eu du mal à m’endormir).

Avant tout, ce n’est pas un concours dans lequel le moins inhumain remporterait une palme — celle de l’innocence ? de la rédemption ? En quoi, au juste, les crimes de Pierre excusent ceux de Jacques ?

La question n’est évidemment pas de savoir qui fut le plus inhumain entre les gardes chiourmes de Guyane française et leurs estimés collègues d’URSS. La question n’est pas même de déterminer si le Goulag soviétique fut pire que la SIbérie des Tzars. C’est un fait avéré — ceux qui ont lu Dostoïevski le savent — qu’on envoie les gens en Sibérie depuis des siècles en Russie. Il faut comprendre que la Sibérie elle-même est un peu une gigantesque colonie pénitentiaire. Le climat en est le meilleur gardien. Car au Goulag, comme avant dans les « bagnes » tzaristes, prisonniers et gardiens sont tous des prisonniers.

Néanmoins, quand on parle du Goulag, je vous l’apprend peut-être, on ne les voit pas comme une espèce de « Guyane russe » abritant principalement des détenus de droit commun. Mais il s’agit bien d’un vaste ensemble de structures carcérales, placées sous le contrôle direct de la police secrète, où fut concentré tout ce qui, dans les zones controlées par le Kremlin, s’opposait pour une raison ou une autre au totalitarisme d’URSS.

Ainsi, ce qui change avec le Goulag (acronyme pour « Administration Principale des Camps »), c’est d’abord la centralisation dans les mains de la police politique. Avant 1930, ces camps existent mais sont placés sous l’autorité des régions. Par la suite, c’est du ministère de l’intérieur ou de celui de la justice qu’ils dépendent. Jusqu’en 1934 où ils sont placés sous le contrôle direct du Guépéou/NKVD. J’insiste : contrairement à la Guyane ou à la Katorga, ce n’est pas une cour qui vous envoie au Goulag, mais un gradé du Guépéou — le même qui est venu vous réveiller chez vous un matin où tout a changé pour vous.

D’autre part, il y a aussi une question de proportion qui, pour prosaïque qu’elle puisse paraître, n’en est pas moins importante. Au début des années cinquante, les Goulags (car il y en a plusieurs) abritent environ 2,5 millions de gens (Russes, Ukrainiens, Polonais, Allemands de Russie, Finlandais, Tchétchènes, Ingouches, Tatars, Karatchaï, Balkars, Kalmouks, Arméniens, Grecs, Turcs, Kurdes et prisonniers de guerre). A la même période, la Russie compte un peu plus de 100 millions d’habitants. Cela signifie que vous aviez des voisins qui étaient au Goulag, mais aussi — très possiblement — des amis et des membres de votre famille. D’où la peur extrême qu’il inspire, bien sûr. Car ces gens disparaissaient du jour au lendemain, revenaient parfois.

A propos, la mortalité au Goulag est difficile à évaluer, mais on peut considérer qu’environ 12 millions de personnes y ont trouvé la mort entre 1939 et 1953.

Qui a l’occasion d’aller en Russie — pour une raison ou une autre —, ferait bien de se rendre a l’ancien camp Perm-36 (à une 100aine de Km de Perm), qui est resté debout et qui se visite. Les archives du Goulag collectées par « Memorial » sont aussi très édifiantes. Cependant, elle ont été confisquées de manière complètement arbitraire lors d’une descente de police en 2008 (rendues en 2009) — comme quoi Poutine et ses partisans n’aiment pas le travail de mémoire.

C’est donc une forme de négationisme que de « minimiser » ou « relativiser » le Goulag en évoquant la Guyane ou la Sibérie des Tzars. Il ne viendrait à l’esprit de personne de sensé de chercher à excuser les camp hitlériens en disant que, de toute façon, les Britanniques aussi ont mis en place des camps de concentration où ils ont enfermé les Boers, que c’est une pratique courante et qu’il ne faut pas s’en inquiéter. En revanche, on peut très bien faire l’inverse, dire que le camp de Bloemfontein préfigurait l’horreur nazie : http://fr.wikipedia.org/wiki/Lizzie_van_Zyl

Tout est question de nuance — et d’échelle.

Alors, « relativiser » le Goulag, c’est franchement du négationnisme en barre, car les problématiques du Goulag sont, de fait, profondément actuelles.

Au vu des orientations politiques de certains, on comprend pourquoi ils sentent le besoin de nier le Goulag.

Tout simplement parce que Poutine envoie lui aussi ses opposants en Sibérie et que la colonie IaG 14/10 a peu à envier aux camps de Perm.

Or, ces « chevaliers qui disent ’Ni’ » arrivent toujours après la guerre pour condamner certaines choses soignement sélectionnées — abominables d’ailleurs —, mais sont toujours les derniers pour faire la critique de ce qui a un impact aujourd’hui. Au contraire, je l’ai déjà dit et je le répète, ils ont intérêt à ce que cela s’oublie, à ce que cela soit minimisé.


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