Robespierre n’était aucunement « jusqu’auboutiste », et d’ailleurs dans les semaines qui suivirent l’exécution, alors que la « réaction thermidorienne » se mit en place, il lui fut au contraire vivement reproché sa pusillanimité. Furent notamment pointés du doigt :
- le fait qu’il réduisit le nombre de Girondins arrêtés en mai 1793 de plus d’une centaine à une vingtaine (pour plus de détails, je renvoie aux mémoires de Billaud-Varenne)
- le fait qu’il convainquit la Convention de se contenter de placer les Girondins arrêtés aux arrêts à leur domicile sous la garde d’un seul soldat chacun (ainsi plus de la moitié d’entre eux s’évada dans la nuit de leur arrestation, rejoignant précipitamment leurs contacts dans les départements pour susciter des soulèvements, plus ou moins importants et durables)
- le fait qu’en tant que membre du Comité de Salut Public il empêcha que les 73 députés arrêtés pour avoir manifesté leur soutien aux Girondins évadés soient exécutés, les faisant emprisonner « jusqu’à la paix »
- le fait qu’il refusa jusqu’au bout l’arrestation de Danton, ne cédant face au reste du Comité de Salut Public et au Comité de Sûreté Générale que quand la trahison de Danton était trop visible pour être déniée
- le fait qu’il refusa systématiquement que l’appartenance à la noblesse soit considéré comme un crime en soi, obligeant le Tribunal Révolutionnaire à trouver des motifs concrets pour prononcer ses condamnations
Dans ces premiers temps de la « réaction thermidorienne », c’étaient les exagérés qui tenaient le haut du pavé, et leur volonté de maintenir et même d’accroitre la Terreur, de lui ôter ses scrupules de légalité et d’aboutir à « l’épuration » qu’avaient réclamée Marat, Danton (oui, oui, avant de se muer en « indulgent », Danton a réclamé « que cent mille têtes tombent et la France est sauvée ! », un mot qui est étrangement souvent attribué à Marat, alors qu’il a été prononcé un mois après son assassinat), Hébert et d’autres.
Cependant, au fur et à mesure du temps, la volonté d’en finir avec « la queue de la comète Robespierre » conduisit petit à petit à s’en prendre à ces extrémistes qui étaient les principaux responsables de la « chute de Robespierre ». Eux-mêmes accusés de « robespierrisme », ils furent réduits par vagues successives en quelques mois, soit envoyés à l’échafaud puis au bagne de Cayenne après jugement, soit tués sommairement par des bandes violentes, notamment celles de « la jeunesse dorée », menées par Fréron, qui comme Tallien et Barras eût suffisamment de présence d’esprit de retourner précipitamment sa veste dès la chute de Robespierre au lieu d’assumer ses actes comme les autres.