En citant le passage complet, on obtient la signification du propos :
"Je vous proposerai d’abord quelques articles nécessaires pour
compléter votre théorie sur la propriété ; que ce mot n’alarme personne.
Âmes de boue ! qui n’estimez que l’or, je ne veux point toucher à vos
trésors, quelque impure qu’en soit la source. Vous devez savoir que
cette loi agraire, dont vous avez tant parlé, n’est qu’un fantôme créé
par les fripons pour épouvanter les imbéciles ; il ne fallait pas une révolution
sans doute pour apprendre à l’univers que l’extrême disproportion des
fortunes est la source de bien des maux et de bien des crimes, mais nous
n’en sommes pas moins convaincus que l’égalité des biens est une
chimère. Pour moi, je la crois moins nécessaire encore au bonheur privé
qu’à la félicité publique. Il s’agit bien plus de rendre la pauvreté
honorable que de proscrire l’opulence. La chaumière de Fabricius n’a
rien à envier au palais de Crassus. J’aimerais bien autant pour mon
compte être l’un des fils d’Aristide, élevé dans le Prytannée, aux
dépens de la république, que l’héritier présomptif de Xercès, né dans la
fange des cours, pour occuper un trône décoré de l’avilissement des
peuples, et brillant de la misère publique.«
Discours sur la propriété (24 avril 1793)
Il s’agit donc de répondre à des contradicteurs qui brandissent la perspective de la »loi agraire« pour s’opposer à ce qu’avançait Robespierre sur le droit de propriété lors des débats sur la nouvelle Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Robespierre avance que personne ne veut de loi agraire, que celle-ci serait nuisible pour la société, et donc que discuter du droit de propriété ne revient pas à trancher entre conserver l’inégalité des fortunes telles qu’elles sont et niveler les fortunes, mais qu’au contraire la République a des limitations à mettre à la propriété sans pour autant la violer. Il aborde dans le paragraphe suivant le cas de l’esclavage à titre d’exemple frappant pour démontrer que la limitation de la propriété n’est pas en soi illégitime ni ne conduit à la réforme agraire tant redoutée.
Il en avance une proposition d’articles sur la propriété pour la DDHC :
»Art. Ier — La propriété est le droit qu’a chaque citoyen de jouir et de disposer de la portion de biens qui lui est garantie par la loi.
II. — Le droit de propriété est borné, comme tous les autres, par l’obligation de respecter les droits d’autrui.
III. — Il ne peut préjudicier ni à la sûreté, ni à la liberté, ni à l’existence, ni à la propriété de nos semblables.
IV. — Toute possession, tout trafic qui viole ce principe est illicite et immoral."