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Commentaire de Louis

sur Sur « Si c'est un juif » d'Adrien Barrot


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Louis 3 mars 2007 20:45

Tout d’abord, votre commentaire me permet de revenir ou de préciser le sens d’une phrase de ma recension, phrase que j’aurais d’ailleurs voulue modifier. Les sciences sociales que je récuse vise, disons, une certaine tendance à la statistique, au nombre, et aux faits dépourvus de leur signification dans l’horizon des choses humaines. Je crois que parler de tout ça nous mènerait trop loin de notre propos actuel, mais je tenais à faire cette précision. Il va de soi que je ne récuse pas l’utilité de la sociologie et de l’histoire, ce qui serait évidemment insensé. Surtout, cela n’engage que moi et non Adrien Barrot. Vraiment, je n’ai jamais dit que « l’auteur assume son détachement vis-à-vis des sciences », c’est là m’interpréter très largement, et rien dans le livre d’Adrien Barrot ne permet d’affirmer cela. L’introduction de mon texte est, si vous voulez, très, trop personnelle. Je n’ai pas dit non plus que le regard d’Adrien Barrot était celui d’un philosophe, et le titre de ma recension n’est pas complètement arbitraire ni une simple enjolivure. Je crois qu’exhiber les « traitements » infligés aux juifs ne relèverait effectivement non pas seulement d’une facilité mais aussi d’un goût macabre. Néanmoins, comprendre pourquoi, comment nous avons pu en arriver là, mis à part que cela « présuppose » que la négation d’un peuple par le recours à une idéologie « scientifique » et l’extermination de ce peuple par l’emploi de la « technique » (technique congénitale au projet des Lumières) a quelque chose de puissamment terrifiant, cela ne me semble pas trop indigne d’un philosophe. Autrement dit, je crois que la Dialectique de la Raison (Dialektik der Aufklärung) d’Adorno et Horkeimer, aussi contestable voudrions-nous la trouver sur certains points, n’en est pas moins un livre important et raisonné. Maintenant, pour tenter de vous répondre quant au but de l’ouvrage, il me semble l’avoir exprimé avec toute la clarté nécessaire : c’est un appel à la conscience politique. Si je - ou Adrien Barrot, je pense - m’intéresse au problème juif, c’est que ce problème existe manifestement, et je ne vois pas trop quoi vous répondre. Pour la majuscule, la question est, je crois, de savoir si les juifs forment une nation ou non, avec tout ce que cela implique - le livre d’Adrien Barrot, pour autant que je sache, met l’accent sur le problème avec prudence et ne décide pas de la question. Mais encore une fois, mon propos était de dire : aussi concerné Adrien Barrot se montre-t-il par le problème juif, ce n’est pas l’essentiel du livre. Pour répondre à votre question : est-il contradictoire de regretter une manifestation communautaire lorsqu’on reconnaît, en même temps, qu’un meurtre antisémite est indissociable du malheur en général ? Encore une fois, je suis très inquiet du fait que personne ne semble trouver de sens à la distinction entre ce qui est impliqué par un meurtre perpétré, entre autre, par des représentations antisémites ou racistes, et le meurtre qu’un délinquant commet à un moment donné sous le coup d’une impulsion, ou qu’un détraqué projette arbitrairement. Le meurtre d’Ilan Halimi a été prémédité parce que le cerveau des Barbares avait une certaine représentation des juifs. Je vous invite à répondre en toute clarté à la question suivante : tous les crimes sont-ils identiques, c’est-à-dire, un crime commis impulsivement est-il identique à un crime prémédité selon certaines représentations. Et ensuite, ces crimes signifient-ils la même chose au vu de l’état de notre société ? La crapulerie, la délinquance « pure et simple » est-elle la même chose que la délinquance motivée par le racisme ? Enfin le rôle de la nation, de toute la Nation - ce que j’appelle la conscience humaine de la nation - ne doit-elle pas s’alarmer que de telles choses soient de nouveau possible, quand on sait ce qui peut en dériver ? Ce n’est pas pour manifester son soutien aux juifs que la Nation devait se rassembler en Février 2006, pas plus que c’est pour manifester son soutien aux conducteurs SNCF que nous devrions manifester si ils devenaient la cible de crimes récurrents. C’était pour manifester que notre conscience humaine était choquée du fait que des représentations si lourdes de significations puissent encore servir pour des crimes. Et ce quand notre mémoire du passé se réclame du plus serein savoir. Voila la seule question qui me semble importante de débattre. Dans l’attente de votre réponse, et en vous remerciant d’avoir signalé le lien, je vous suis, A.Louis


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