@Jacob Guérin
Effectivement, changer le système monétaire est une décision d’état qui implique beaucoup de monde, mais ce n’est pas impossible. Aujourd’hui le système actuel s’est imposé progressivement dans la plupart des pays après l’abandon de l’étalon or. Il permet de créer une monnaie relativement stable et facilement échangeable sur les marchés. La stabilité vient du fait que toute monnaie créée par le crédit est détruite lorsque celui-ci est remboursé. L’inconvénient principal est qu’il faut créer en permanence du crédit pour qu’il y ait assez de monnaie en circulation. Ce crédit fait qu’il y a partout des intérêts à rembourser. Ces intérêts n’ont pas fait l’objet d’une création monétaire et pompent la monnaie en circulation dans l’économie réelle pour la placer sur les marchés financiers qui ne créent pas beaucoup de valeur. Le système actuel peut tout de même s’efondrer quand la confiance dans le remboursement du crédit diminue (subprimes, Grèce…)
En général, la création de richesse demande des développements longs qui ne rapporte rien les premières années et crée de l’incertitude. Si on emprunte pour ces investissements, il faut alors rembourser intérêts et capitaux avant que le projet rapporte quelque chose, ce qui rend les coûts financiers prohibitifs.
Les financiers ne sont donc pas du tout portés sur les investissements créateurs de richesse et préfère s’adresser aux marchés financiers largement plus rentables et moins risqués. Aujourd’hui, plus de 98% de la monnaie en circulation est sur ces marchés et l’économie réelle doit se contenter du reste.
Il faudrait donc financer ces investissements par des capitaux permanents non remboursables.
Il est donc tout à fait possible de créer une monnaie, non sur une ligne de crédit mais sur des fonds propres d’une entreprise ou d’un organisme public qui a un projet de création de richesse. La contrepartie est bien évidemment des parts de l’entreprise pour un investissement privé et dans le cas d’un investissement public, la valeur de la monnaie est tenu par l’enrichissement probable du pays à l’issue de l’investissement. D’ailleurs beaucoup d’investissements utiles ont plus de retombées sur la société elle-même que sur les créateurs. Les logiciels sont typiquement dans cette situation. L’inconvénient d’un tel système est que le banquier doit avoir une réelle expertise technique sur les projets financés pour éviter les opportunistes et les projets délirants.
On peut également ajouter un deuxième mécanisme pour renforcer la création de richesse en créant une monnaie fondante. Cela fonctionne comme un intérêt négatif. Les comptes où il reste de l’argent en fin de mois sont diminués tous les mois d’un petit pourcentage. Cela a plusieurs effets :
- compenser l’usure et l’obsolescence des investissements,
- pousser ceux qui ont de la monnaie à la faire circuler plus vite. Cela augmente le rendement économique de la monnaie.
- rétablir l’équilibre entre l’acheteur et le vendeur. Dans ce cas l’acheteur est maintenant préssé comme le vendeur, car la monnaie s’use comme le produit vendu.
- pousser les financiers à s’intéresser plus à la création de richesse qu’à la prédation des richesses existantes.
Des mécanismes de blocage de la fonte sont possibles pour permettre de faire des économies pour un projet déterminé. On peut également faire appel à une monnaie non fondante pour les économies.
Cela nous amène à un autre point : il est aujourd’hui possible d’utiliser plusieurs monnaies dans une même transaction. Les moyens électroniques de paiement permettent de débiter et créditer plusieurs comptes avec des algoithmes qui permettent de sélectionner la monnaie en fonction des priorités de l’acheteur et du vendeur. Les Suisses utilisent un système à deux monnaies depuis plus de 80 ans avec le Franc WIR qui s’ajoute au Franc Suisse. Dans ce cas plus ancien, le fonctionnement est manuel et les chèques ont deux lignes. Le Franc Wir se crée sur de l’investissement immoblier d’entreprise et pèse 10% du PIB suisse.
Avec un pool de monnaie, nous pouvons spécialiser les monnaies selon les besoins de la société. Une monnaie pour l’éducation, une monnaie pour la santé, une monnaie pour l’énergie… Les prix sont affichés selon la valeur d’un ensemble de monnaies choisies parmi les plus stables. En faisant des choix sur les monnaies que nous voulons utiliser ou garder, nous pouvons également choisir les projets qui ont le plus de valeur pour nous. De la démocratie dans le porte-monnaie en quelque sorte.