@Allexandre
Non, je sais pas quelle est la plus grande plaque tournante de la diplomatie internationale. Mais je parierais 1 contre 100 que tu vas me dire le Vatican.
En fait, ce n’est pas que je ne crois pas que les religions n’aient pas d’influence politique, c’est plutôt que je les mets au même niveau que toutes autres sortes de considérations. C’est une coloration culturelle plus ou moins marquée, qui peut se mélanger avec d’autres formes d’identité : le territoire, la nation, la langue, l’ethnie, etc. Même si les acteurs politiques hiérarchisent leurs propres valeurs et vont se définir par leur appartenance religieuse avant leur appartenance socio-politique, l’Etat contient des intérêts plus larges. Je crois fondamentalement que la politique a toujours dépassé la religion dans la gestion des affaires courantes. Je reste sur ma ligne machiavelienne et sur une analyse sociale du pouvoir, en mettant en second plan les artifices idéologiques.
Alors que puis-je répondre lorsque ce sont les nations elles-mêmes qui construisent des blocs religieux et déterminent leurs politiques selon leur identité religieuse ? Et veulent un expansionnisme mondial de leur religion comme Daesh ?
Je te répondrai qu’à certains moments, et dans certains territoires, il existe bien sûr des acteurs politiques qui veulent la guerre de religion ou du moins se sentent appartenir à un grand ensemble géopolitique religieux et soutiennent la solidarité religieuse. Excuse-moi, mais dans la majorité des cas, il n’y a aucune solidarité entre les coreligionnaires des différents pays : le massacre des Yézidis et autres minorités chrétiennes n’a pas suscité d’élan religieux de la part des pays occidentaux, ni russes. Il est assez connu que les chiites et les sunnites ne sont pas très connus pour entretenir des relations très amicales, et certains préféreront toujours pactiser avec le diable que de s’allier à son frère ennemi. Les Kurdes et les Turques sont musulmans, et pourtant la guerre civiile entre eux ne s’est jamais arrêtée depuis la fin de l’Empire Ottoman. Les palestiniens sont vus comme des frères d’arme à la télévision, mais beaucoup moins lorsqu’ils débarquent dans des camps de réfugiés en Jordanie, au Liban et ailleurs. Le Maroc fait construire un mur à la frontière avec l’Algérie, magnifique la solidarité de religion ! Et il y a des centaines d’exemples comme cela.
Les réalités géopolitiques contemporaines sont avant tout nationales. Alors là où je pourrais te rejoindre c’est si tu considères que le capitalisme libéral est pratiquée comme une religion, et face à cela il y a une réaction anti-moderne qui traverse à la fois les individus eux-mêmes et les groupes sociaux. Mais c’est une frontière spirituelle intérieure qui s’ouvre dans toutes les cultures, et elle est très visible en Islam parce que les dirigeants politiques musulmans et certaines populations croient que la modernité est entièrement compatible avec l’Islam ou alors que la modernité peut être effacée et le retour à un mode de vie ancien serait possible. Evidemment, cela dépendra de l’avenir du capitalisme et il est certain que le fondamentalisme religieux a gagné du terrain, mais est très loin d’avoir conquis la planète....