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Certes,
la cour maintient la nécessité de « protéger le pouvoir
judiciaire contre des attaques gratuites et non fondées qui
pourraient n’être motivées que par la volonté d’une stratégie
de déplacer le débat judiciaire sur le terrain strictement
médiatique ou d’en découdre avec les magistrats en charge de
l’affaire ». La cour ne se rallie pas non plus aux arguments du
Conseil des barreaux européens qui souhaitait que la liberté
d’expression des avocats soit calquée sur celle des journalistes.
L’avocat ne saurait être assimilé à un journaliste car « leurs
places et leurs missions respectives dans le débat judiciaire sont
intrinsèquement différentes » : le journaliste est un témoin
extérieur chargé d’informer le public tandis que l’avocat est
acteur impliqué et au service de son client.
Il
reste que la liberté d’expression de l’avocat est une condition
de l’indépendance de la profession d’avocat et du fonctionnement
équitable de la justice.
Ce
n’est qu’exceptionnellement qu’une limite peut passer pour
nécessaire : la cour rappelle les efforts des autorités européennes
(Recommandation 1814 du conseil de l’Europe en 2007) pour aller
vers une dépénalisation progressive du délit de diffamation. Elle
note l’effet dissuasif pour la liberté d’expression d’une
sanction pénale même modérée ; elle considère qu’en l’espèce,
la sanction n’était pas modérée et regrette que la qualité
d’avocat de Me Morice ait servi de base à une aggravation des
sanctions.
En
conclusion, la grande chambre de la CEDH, dans cet arrêt rendu à
l’unanimité par 17 juges, décèle dans la condamnation pénale de
Me Morice une ingérence disproportionnée dans son droit
d’expression, ingérence qui n’était pas nécessaire dans une
société démocratique. Les sommes allouées à l’avocat de notre
collègue Elisabeth Borrel démontrent s’il en était besoin
l’ampleur de l’atteinte portée à ses droits.