Régulièrement
ressortent, avec une bonne dose de mauvaise foi, les discours selon
lesquels islam et christianisme seraient irréductiblement distincts
en ce que l’un serait fermé et voué à dominer le politique, et le
deuxième ouvert à la laïcité. Rien n’est plus faux ; les deux, par
leur nature même, entendent de la même façon régenter le domaine
de la croyance humaine de façon exclusiviste, et de là investir le
domaine politique. Pour reprendre certaines de ces fausses
distinctions établies ici :
Le
christianisme n’a jamais rabaissé les femmes ? Bien sûr que si !
S’il ne les a peut-être pas cloîtrées (encore faut-il vérifier
que ce ne soit jamais arrivé), il les a bien reléguées au fond de
l’ordre social.
Ce
sont les rois qui ont fait du christianisme une religion politique
voulant s’immiscer partout en l’imposant dans des objectifs de
pouvoir personnel ? Non, pas du tout, ce sont les Pères de l’Église
eux-mêmes, ce sont eux qui en ont fait la religion unique (avec la
seule tolérance des juifs, une tolérance très légère), ce sont
eux qui édictaient les principes moraux auxquels devaient se
soumettre la société, ce sont eux qui ont fourni les cadres de la
société civile en Occident au sortir de l’Empire romain ; dans de
nombreuses régions d’Europe, l’évêque était la seule puissance
temporelle.
La
lutte des souverains chrétiens, même très religieux, contre les
ecclésiastiques afin de conserver leur sphère de pouvoir,
n’a-t’elle pas quand même constitué une différence fondamentale
avec la situation en pays musulmans ? Non, en Islam aussi l’État,
aussi religieux était-il, a toujours essayé de se distinguer de
« l’Église », c’est-à-dire en pays sunnite des imams, avec
qui il était en conflit de légitimité, et qu’il essayait de
soumettre à sa volonté.
La
notion d’Oumma, pas plus que la pratique de l’existence de nombreux
États rivaux, ne distinguent davantage islam et christianisme. D’un
côté on avait une Église orthodoxe-catholique, puis une Église
catholique romaine et plusieurs orthodoxes, qui prônait l’unité de
la communauté des croyants par delà les souverains variés
auxquels ils étaient soumis. De l’autre, la réalité du Dar
el-Islam, par-delà le discours de cette oumma mythique et des
prétentions des différents « caliphes », a toujours été
pareillement une mosaïque d’États divers, et souvent rivaux !
Donc
non, il n’y a pas de différence, ni dans la façon d’appréhender le
monde ni dans la tradition historique, entre christianisme et islam.
Les pays musulmans, si on excepte les pays moyennâgeux comme
l’Arabie Séoudite, en sont en fait à la situation où les pays
européens en étaient vers la fin du XIXème siècle. Ce n’est pas
en en faisant nos ennemis, ni en donnant une influence démesurée
aux plus rétrogrades d’entre eux en raison de leur argent, qu’on
leur permettra de devenir vraiment modernes. Voyez l’exemple de la
Syrie, pays vraiment séculier, que les occidentaux se sont ingéniés
à détruire, tandis qu’ils léchaient les bottes des Séoudiens et
qatariens.