@franc tireur
Ce que vous dites n’est pas juste. Ce sont toujours des décisions politiques qui sont appliquées pour pondre des lois et des réglements. Les énarques et la « techno structure » n’ont rien à voir dans cette affaire. Aujourd’hui presque toutes les décisions politiques nous viennent de Bruxelles.
Prenez connaissance, tranquillement, en faisant des mises en perspective, de l’ordre juridique de l’union européenne. Vous êtes très très loin du compte avec vos énarques et votre techno structure. Lisez à tête reposée et comprenez bien la portée de cet ordre juridique. Remarquez bien le vocabulaire utilisé : « force contraignante » ; « primauté sur le droit national » ; « transfert des droits souverains » ; etc.
3.3. L’ordre juridique de l’Union européenne
Les politiques communes, qui sont l’essence de l’intégration multinationale, sont basées sur la législation commune. L’élément intrinsèque du concept de politique commune est sa force contraignante sur les États membres. Ces derniers doivent donner aux institutions communes les moyens d’appliquer les politiques communes et de faire respecter leurs décisions par toutes les parties concernées et leurs citoyens. À ces fins, les politiques communes sont formées par des actes juridiques arrêtés par les institutions communes, appliqués par les États membres et/ou les institutions communes et contrôlés par les institutions communes [voir le chapitre 4]. Les droits nationaux des États membres sont harmonisés dans un grand nombre de domaines dans le cadre des politiques communes. Un droit spécial, appelé précédemment « acquis communautaire » et désormais « acquis de l’UE », est ainsi créé afin de matérialiser les politiques communes, un droit qui a la primauté sur le droit national, même constitutionnel des États membres, que celui-ci soit antérieur ou postérieur à la législation européenne. En effet, selon la Cour de justice, les États membres ont transféré définitivement des droits souverains à la Communauté (et ensuite à l’Union) qu’ils ont créée, et ils ne peuvent revenir ultérieurement sur ce transfert par des mesures unilatérales [voir affaire 6/64], à moins de décider de se détacher de la CE/UE. Cela est encore une caractéristique du processus d’intégration multinationale, qui différencie cette dernière de la coopération intergouvernementale, où les décisions ont des conséquences politiques, mais n’ont pas un pouvoir contraignant sur les pays participants. Un processus d’intégration multinationale, comme celui de la CE/UE, ne pourrait pas fonctionner, si chaque État membre pouvait esquiver les obligations de la législation commune en mettant en jeu son droit national, y compris son droit constitutionnel.
Les instruments juridiques, qui forment les politiques communes, ont une validité légale seulement si une disposition des traités autorise les organes compétents - le Parlement européen et/ou le Conseil - de les arrêter (principe de la compétence limitée). L’article 288 du traité sur le fonctionnement de l’UE (ex-article 249 TCE) prévoit cinq formes d’instruments juridiques, qui ont chacune une incidence différente sur les systèmes juridiques des États membres, certaines étant directement applicables en lieu et place de leur législation nationale, d’autres permettant une adaptation progressive de celle-ci aux dispositions européennes.
Le règlement a une portée générale, il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État membre. Tout comme une loi nationale, il fait naître des droits et des obligations directement applicables aux citoyens de l’Union européenne [voir notamment affaires 43/71 et 39/72]. Les règlements entrent en vigueur à la date qu’ils fixent ou, à défaut, le vingtième jour de leur publication dans le Journal officiel de l’Union européenne. Le règlement substitue le droit européen au droit national et est donc l’instrument juridique le plus efficace offert par le traité. En tant que « loi européenne », le règlement doit être intégralement respecté par son destinataire (individu, État membre, institution européenne).
La directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. C’est une sorte de loi-cadre européenne, qui se prête particulièrement bien à l’harmonisation des législations nationales. Elle définit l’objectif ou les objectifs à atteindre par une politique commune et laisse aux États membres le soin de choisir les formes et les instruments nécessaires pour s’y conformer. Étant donné que les États membres sont tenus seulement à la réalisation des buts de la directive, ils disposent, pour sa transposition au droit national, d’une marge de manœuvre leur permettant de tenir compte des spécificités nationales. Ils sont tenus, toutefois, « à assurer l’exécution des obligations découlant du… traité ou résultant des actes des institutions de l’Union » (article 4 TUE). Bien qu’elles soient généralement publiées dans le Journal officiel, les directives prennent effet par leur notification aux États membres destinataires. Ces derniers ont l’obligation d’arrêter les dispositions nationales nécessaires à la mise en œuvre de la directive dans les délais fixés par elle, à défaut de quoi ils sont en infraction.
La décision a un caractère obligatoire pour les destinataires qu’elle indique et qui peuvent être, soit un, plusieurs, voire tous les États membres, soit une ou plusieurs personnes physiques ou morales. Cette variété de ses destinataires potentiels s’accompagne d’une variété dans l’ampleur de son contenu pouvant aller d’un quasi-règlement ou d’une quasi-directive à une décision administrative particulière. Sa prise d’effet pour ses destinataires résulte de la communication et non pas de la publication au Journal officiel. En tout cas, selon la Cour de justice, une décision peut produire des effets directs en engendrant dans le chef des particuliers des droits que les juridictions nationales doivent sauvegarder [Affaire 9/70 et affaires jointes C-100/89 et C-101/89].
Les actes juridiques susmentionnés sont normalement utilisés, sur base du traité et suivant la méthode originalement dite « communautaire » (maintenant la méthode européenne) [voir la section 4.3], pour harmoniser ou rapprocher les législations nationales. Ils ont des effets contraignants pour les États membres, pour les institutions européennes et, dans de nombreux cas, pour les citoyens des États membres. C’est le cas des législations ou des décisions qui doivent s’appliquer de manière uniforme dans tous les États membres. Lorsqu’un État membre ne respecte pas le droit européen, la Commission dispose de pouvoirs propres (le recours en manquement) pour tenter de mettre fin à cette infraction et, le cas échéant, elle saisit la Cour de justice de l’Union européenne [voir la section 4.1.2].