Télérama : En Europe, on entend souvent dire que l’Islam est un
frein à l’évolution des sociétés arabes à cause de l’absence de
séparation entre le spirituel et le temporel.
Georges Corm : C’est incohérent. Dans le monde musulman, le pouvoir a toujours été de nature civile et il n’a jamais existé l’équivalent d’une institution religieuse de la puissance de l’Eglise romaine. Les oulémas (docteurs de la foi) n’ont jamais gouverné nulle part. Même en Arabie saoudite, pays qui est le plus proche d’un état théocratique, la famille des Séoud incarne un pouvoir civil.
Télérama : Et l’Iran ?
Georges Corm : En Iran non plus on ne peut pas parler stricto sensu,
de théocratie ; vous avez quand même un équilibre des pouvoirs entre le
Guide Suprême et le Conseil des gardiens de la foi d’un côté, et le
président de la République et son gouvernement de l’autre. De plus , la
théorie de Khomeyni sur la nécessaire « tutelle » des religieux est une
innovation totale, très contestée par certains des grands penseurs
religieux chiites. Non, le problème, en Islam, ce n’est pas la
séparation du spirituel et du temporel. On projette sur les sociétés musulmanes une problématique propre à l’histoire de l’Europe.
source : Georges Corm * tord le cou au « choc des civilisations »
extrait d’une interview de l’intellectuel libanais Georges Corm réalisée par
Thierry Leclère Novembre 2005
* homme politique, consultant économique et financier international
et juriste libanais, ancien ministre des finances de la république
libanaise ICI