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Commentaire de Luc-Laurent Salvador

sur Les inconsolables


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Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 29 octobre 2017 06:27

Cela a été dit déjà, l’article est dérangeant. Intéressant par les problèmes évoqués mais dérangeant par ses prises de positions et surtout par la brutalité de la déclaration faite à un enfant qui ne peut en comprendre les tenants et les aboutissants alors qu’ il eût été si simple et si naturel de manifester cette conviction par une attitude accueillante qui laisse l’enfant libre d’exprimer ses émotions et sentiments, qu’ils soient positifs ou négatifs. Cet accueil inconditionnel est ce qui suffit à dire la liberté (affective) que l’on donne à l’enfant et qui lui permet de construire son indépendance.
 
Ce qui est étrange c’est qu’en dépit de cette entame centrée sur l’enfant, l’article questionne surtout l’obligation d’aimer du parent vis-à-vis de son enfant vu que les exemples les plus marquants concernent des personnes souffrants de ne pas avoir été aimées.
L’adulte a-t-il un devoir d’aimer son enfant ? N’est-ce pas la question qui doit être posée ?
Et si oui, que veut dire aimer dans ce cas ?
 
Quoi qu’il en soit, l’auteur semble partir du principe que l’amour parental a toute chance de faire défaut et que, par conséquent, il importe de faire comprendre aux enfants qu’ils ne sont pas censés retourner un amour qu’ils n’ont pas reçu.
 
Respecter la norme de réciprocité, ça paraît sain à première vue, sauf que ça se fait dans le contexte d’un positionnement malsain : ne pas avoir d’amour à donner à son enfant, c’est d’emblée engendrer des troubles, car l’enfant en a vitalement besoin.
Et la question se repose alors, c’est quoi bon sang l’amour que l’enfant est censé recevoir ? Je propose, pour faire simple de le circonscrire avec les notions d’intérêt, d’attention, d’accueil, de disponibilité et de qualité des soins que l’on prodigue à l’enfant. Nous sommes ici sur le versant Agape et non Eros de l’amour. Le parent donne et l’enfant reçoit, c’est cela qui est naturel et ça se passe complètement de mots ou de déclaration.
 
Le problème soulevé par l’auteur est celui de l’enfant qui tente désespéremment de manifester de l’amour à ses vieux alors que ces derniers sont incapables (et ils l’ont prouvé) de lui en donner. Là où il y a maldonne, c’est que ce comportement est interprété en référence à une obligation dont il s’agirait de dispenser l’enfant pour le libérer de cette situation sans espoir.
 
Il n’y a aucune obligation qui pèse sur l’enfant ici. Ce qu’il faut voir, c’est qu’il est, tout simplement, encore à tenter de réussir ce qu’il a échoué jusqu’à présent : se faire aimer de ses parents. Dès qu’il prend conscience qu’il n’est pas aimé, l’enfant se pense, forcément, fautif et donc responsable de ce manque d’amour. Il fait alors de son mieux pour mériter l’amour de ses parents et pourra persévérer jusqu’à la mort.
 
Ce qu’il faut voir c’est qu’il met lui aussi en oeuvre la stratégie de la réciprocité. Je te donne et je m’attends donc à ce que tu me donnes en retour. Sauf que, bien sûr, on peut donner tout l’amour que l’on veut à un mur, il ne vous rendra pas grand chose, juste un peu de chaleur (si on le chauffe en restant près de lui) et, évidemment, les coups (en vertu du principe d’égalité de l’action et de la réaction).
 
Au final, on découvre que tout tourne autour d’une logique du don et du contre-don... attendu (en vertu de l’implacable norme de réciprocité). Dans cette perspective, nous retrouvons ce grand classique qui veut que le véritable amour donne ET N’ATTEND RIEN EN RETOUR.
 
On pourrait donc imaginer qu’un parent dise à son enfant : "je t’aime de tout mon coeur mais saches que toi tu n’es pas obligé(e) de m’aimer" (autrement dit, je te dispense de la norme de réciprocité).
 
ça paraît bien mignon comme ça, très beau, très pur, idéal, sauf que d’emblée, il y a problème car, encore une fois, quel besoin d’exprimer verbalement ce qui se dit si bien implicitement par une attitude d’accueil bienveillant portant sur toute la palette affective de l’enfant ? Les actes parlent infiniment mieux, plus fort et plus vrai que les mots.
 
Par conséquent, ces mots « tu n’es pas obligé(e) de m’aimer », vu qu’ils sont non nécessaires, disent probablement autre chose que ce qu’ils prétendent dire.


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