D’abord, pour que l’homme puisse prendre sa raison pour guide il faut
que la raison de l’homme soit droite.
La raison n’est pas une entité, une et absolue, que l’on puisse
consulter avec assurance, c’est l’expression d’une somme intellectuelle qui
varie suivant l’individu qui parle.
Or, il y autant de degrés dans la justesse de raisonnement des hommes
qu’il y a d’individus.
Et les esprits qui voient faux étant les plus nombreux, le nombre ne
fait pas l’autorité. C’est au contraire, dans ce cas, la minorité qui
l’emporte, les raisons droites étant plus rares.
Rappelons aussi que le conflit entre les religieux et les laïques n’est
pas autre chose que la lutte des hommes pour le pouvoir spirituel.
Pendant que les plus audacieux s’emparaient du pouvoir religieux, en
créant les religions surnaturelles, d’autres formaient un parti d’opposition,
un pouvoir laïque, en perpétuelles luttes avec les premiers, et toujours leurs
discordes avaient pour prétexte « la Vérité » que ni les uns ni les autres ne
possédaient.
Les Prêtres prétendaient l’enseigner, en se basant sur une tradition qu’ils
avaient altérée. Les laïques leur montraient leurs erreurs et voulaient
substituer à leurs dogmes des dogmes nouveaux, fondés sur des hypothèses
forgées de toutes pièces dans leur imagination et qu’ils enseignaient au nom de
la raison, quoique ces dogmes laïques, instables du reste, n’avaient pas plus
de valeur que ceux des Prêtres. Ils en avaient même moins parce que, au fond du
dogme religieux, on retrouvait la science antique, l’Absolu féminin, tandis que
dans la science des hommes cet Absolu, quand on l’apercevait, était condamné au
nom de la raison de l’homme qui créait le relatif. En réalité, ces luttes
n’avaient qu’un but : conquérir le pouvoir en dirigeant l’Instruction publique
et en enseignant aux jeunes générations que le gouvernement des vainqueurs
était le meilleur des régimes.
« La prochaine révolution ne sera pas politique, elle sera
religieuse et morale » (Ernest Renan)