@Francis
Oui, l’enjeu est bien ontologique et concerne donc la question
existentielle par excellence, celle que se pose Hamlet : "Etre ou ne pas
être, telle est la question !"
Les ensembles mathématiques que vous évoquez et de manière plus générale
toutes les notions mathématiques ont suscité cette question sans que
des réponses claires aient été apportées. S’agit-il de réalité ou de
vues de l’esprit, cad, de constructions abstraites de notre esprit sans
référents dans ce monde.
Etant constructiviste social, cad, que je tiens la réalité socialement
construite pour une réalité parce que, justement, nous la tenons pour
telle, je considère ces ensembles comme des réalités, quoi que cela
veuille dire.
Ce ne sont pas des réalités naturelles mais des artefacts, au même titre
que le sont nos chaises, nos tables et tous nos objets manufacturés.
Leur réalité est indubitable et, dès lors, leur existence ne fait pas
question. Ce qui le fait et à quoi vous auriez pu chercher à me
confronter, c’est la nature de leur organisation EN TANT QU’ELLE SERAIT
CYCLIQUE.
Je ne vais donner ici qu’une réponse partielle, à titre indicatif. Elle
ne peut être complète parce qu’il nous faudra avoir avancé pour que le
tableau d’ensemble soit perceptible.
Disons, pour faire simple, qu’il nous faut partir de Parménide et de son fameux « l’homme est la mesure de toute chose ».
Cela recoupe parfaitement ce qui est venu plus de deux millénaires après
en tant que la notion d’umwelt, terme allemand qui désigne "le monde
autour" et qui servait au biologiste allemand Jakob von Uëxkull à faire
comprendre que chaque espèce animale n’appréhende le monde que sur la
base de sa propre organisation d’action, sur la base de ses propres
habitudes donc.
De sorte que, pour revenir à l’artefact « chaise » par exemple, il n’a
aucune existence pour la mouche. Il ne se tient pas hors du fond
inorganisé dans lequel la mouche range la plupart des artefacts humains,
elle qui n’a d’yeux que pour l’alimentaire, pour ce qui se mange chez
les humains mais aussi ce qui se mange chez les mouches. Comme tout le
monde le sait bien : chacun ses goûts, la mouche a le sien.
Merci d’avoir patienté jusque-là. J’en viens au fait, accrochez-vous :
la mouche qui vient sur la chaise, s’y pose, ne voit pas la chaise en
tant que chaise. Celle-ci n’a aucune existence distincte, il n’y a pas
d’organisation perceptible pour la mouche de sorte que si la chaise
vieillit, pourrit et se casse, cela ne fera ni chaud ni froid à la
mouche qui ne l’aura pas vue ET qui, de toute façon, n’a pas dans ses
capacités de produire, de réparer la chaise ou de la remplacer.
L’homme, lui, a une telle capacité. Il a une idée de la chaise (ou de la
table ou de tout autre objet) et peut donc a) la fabriquer
(re-produire), b) la réparer au besoin (reproduire à nouveau) et, le cas
échéant, la remplacer (par une nouvelle production). La chaise a donc
une existence parce qu’elle intègre les habitudes de l’homme qui s’en
sert et qui a donc, aussi, l’habitude de les fabriquer (les acheter ?),
de les réparer ou de les remplacer dès lors qu’il en a besoin vu que
c’est... une habitude.
La chaise est donc un artefact, un outil qui advient à l’existence et à
l’organisation particulière qui est la sienne parce qu’elle a intégré
les écosystèmes d’habitudes socialement partagées (imitées) et, donc,
reproduites, des humains.
C’est en tant qu’elle a intégré ces cycles perception-action que sont
les habitudes que la chaise se voit tout à la fois conservée (reproduite
au sens de fabriquée), puis réparée, donc produite à nouveau si l’on
peut dire et, enfin, évoluée dès lors que la répétition des gestes
reproducteurs de la chaise (par l’artisan) sont toujours susceptibles de
s’adapter aux différents matériaux utilisés (et aussi aux modes qui
sont d’autres formes de reproduction, d’autres formes de cycles). Tout
ou presque peut changer dans une chaise mais ce qui ne changera pas, ce
qui fait qu’on la reconnaîtra comme chaise, c’est qu’on peut poser ses
fesses dessus à une certaine hauteur vis-à-vis du sol ET on peut
s’adosser. Ces deux choses se trouvent toujours reproduites chaque fois
que l’on parle d’une chaise.
Quoi qu’il en soit, chacun l’aura compris, l’organisation d’une chaise
n’est pas dans sa structure matérielle mais dans la population
d’habitudes qui se la sont intégrées et qui, se sont même coordonnées
dessus de manière parfois singulière ou, carrément originale (étant
donné que maintenant les enfants ne sont même plus obligés de bien se
tenir sur leur chaise). Ces habitudes humaines SONT les cycles de la
chaise. C’est en se coordonnant qu’ils engendrent l’objet chaise avec le
sens que nous lui donnons, à savoir un lieu convenu (socialement) et
donc acceptable pour satisfaire le besoin fréquent de poser son cul
plutôt que de le faire, de manière incongrue, désespérée ou
provocatrice, sur la commode.
S’il n’y a plus d’habitudes humaines à l’entour, cad, s’il n’y a plus
d’humains, la chaise cesse d’exister. Elle va se décomposer doucement et
elle disparaîtra de la surface de la terre, preuve s’il en est qu’elle
n’a pas accès à l’auto-organisation qui caractérise le vivant, (sauf à
la considérer comme un virus qui « hacke » l’écosystème d’habitudes des
humains pour... se reproduire).
Quoi qu’il en soit, il est assez clair que la chaise est seulement un
objet dont l’organisation, et donc le sens, viennent des habitudes
humaines qui l’intègrent.
La même chose peut être dite des objets mathématiques. Ils sont
constitués de coordinations de cycles perception-action (des habitudes)
et peuvent être concrets ou abstraits mais toujours intégrés dans cette
organisation qui les produit, les maintient en même qu’ils servent à la
reproduction de ladite organisation.
Bref, nous voyons les objets, nous ne voyons pas les cycles qui viennent
s’y rencontrer et c’est comme ça que la réalité nous échappe. Nous
restons à la surface des choses.
Ainsi nous perdons facilement de vue que les mathématiques sont bâties à
partir d’opérations (actions) élémentaires qui sont reproduites,
souvent à l’infini.
Ainsi l’ensemble des entiers n’est jamais que la réitération
(reproduction, cycle) de l’action consistant à ajouter une unité. Il est
donc intrinsèquement cyclique.
Les mathématiques s’intéresse à la stabilité, donc à ce qui se
reproduit. Par exemple la composition de deux éléments d’un ensemble est
intéressante quand le résultat continue d’appartenir à l’ensemble.
C’est donc une boucle qui a été parcourue. Etc., etc., etc.
Je suis sûr que les lecteurs auront plein d’autres exemples encore meilleurs j’imagine.
Quoi qu’il en soit, nous y reviendrons.
22/01 17:33 - Luc-Laurent Salvador
@Mélusine ou la Robe de Saphir. Non le catholicisme ne fut pas à l’origine du (...)
21/01 10:23 - Mélusine ou la Robe de Saphir.
Oui, le catholicisme fut bien à l’origine du capitalisme. Il fallait envoyer Christophe (...)
20/01 16:35 - Luc-Laurent Salvador
@AlLusion Merci pour cet exemple intéressant de pensée syncrétique bien alignée sur une (...)
20/01 16:27 - AlLusion
@Luc-Laurent Salvador Je viens de commenter un autre billet qui peut servir aussi au (...)
20/01 16:00 - Luc-Laurent Salvador
@Mélusine ou la Robe de Saphir. On ne saurait vous jeter la pierre car c’est depuis des (...)
20/01 15:45 - Luc-Laurent Salvador
@Francis Non, là vous pinaillez. Un rituel, en tant qu’il est rythmique est forcément (...)
Agoravox utilise les technologies du logiciel libre : SPIP, Apache, Ubuntu, PHP, MySQL, CKEditor.
Site hébergé par la Fondation Agoravox
A propos / Contact / Mentions légales / Cookies et données personnelles / Charte de modération