@Hervé Hum
Je
suis d’accord avec votre analyse, surtout le dernier paragraphe :
il faut se méfier aussi des experts, parce que le savoir académique
peut empêcher d’explorer des pistes nouvelles, et parce que la
spécialisation empêche par définition d’avoir une vision plus
globale.
Je
voudrais ajouter quelques mots sur ces formules qu’on vous jette à
la figure pour clore la discussion à la manière des Scolastiques
quand ils terminaient leur argumentation par la phrase qui tue
« Aristoteles dixit ! » La réalité est trop
complexe pour qu’on se laisse enfermer dans une formule rassurante.
Le rasoir de Hanlon n’est pas faux en soi, mais il peut avoir un
effet pervers s’il sert à justifier une position antérieure à
tout examen critique, ce qu’on appelle communément un préjugé.
Il entraîne, chez celui qui s’y abrite, un arrêt de la pensée et
de l’investigation. La formule sert de talisman, de bouclier
protecteur du préjugé qu’on ne veut surtout pas remettre en
question : l’explication par la bêtise et l’incompétence
me suffit parce qu’elle me satisfait, je n’ai pas besoin de
pousser plus loin mes recherches. Autrement dit, le rasoir d’Hanlon,
qui est une saine recommandation méthodologique, se transforme en
dogme. Un glissement s’opère, le plus souvent inconsciemment, qui
peut se résumer ainsi :
« Ne
pas attribuer à la malveillance ce qui peut être attribué à la
bêtise et à l’incompétence » devient : « Il
ne faut rien attribuer à la malveillance » ou, de manière
plus précise, « La malveillance existe au niveau d’un État
seulement s’il s’agit d’un régime autoritaire ; s’il
s’agit d’un État démocratique, il ne peut s’agir que de
bêtise et d’incompétence ».
Ce
préjugé fondamental (qui sert de fondement à tout l’édifice
mental) ne peut pas être combattu à l’aide d’arguments
rationnels et de faits, car il procède du désir de croire. C’est
ce qui explique l’attitude souvent agressive ou méprisante des
adeptes de la doxa dominante : vous croyez débattre sereinement
et rationnellement alors que eux se sentent agressés. Vous menacez
leur structure mentale entière qu’ils se sont bâtie durant de
longues années.