Dieudonné
est une personnalité riche et complexe. Difficile à cerner.
C’est quelqu’un
qui aime manifestement la vie et les gens. Qui aime le succès et l’argent que
lui amène son réel talent (que j’apprécie modérément, mais je ne suis pas bon
public pour les humoristes d’aujourd’hui, j’en suis resté à Fernand Raynaud).
Dans son
ascension, au sommet de la gloire, il s’est heurté à un tabou de notre société,
conséquence de notre défaite de 40 et du régime qui a accepté cette défaite et
a commis des crimes vis-à-vis de la communauté juive. Il ne l’a pas accepté. C’est
un aspect de sa personnalité entière, peut-être caractérielle.
Il a été mis
au ban de la société française, interdit de spectacle. Une situation
extrêmement difficile à vivre pour un artiste, terrible. Il a affronté cette
situation avec courage, un autre aspect de sa personnalité.
Personnalité
entière, courageuse et, last but not least, personnalité croyante, profondément
croyante et soumise à la parole de Jésus Christ, c’est du moins ce qu’il donne
à entendre. Cette part irrationnelle, mystique de sa personnalité, on ne peut
que la constater sans vraiment la comprendre, car la foi d’autrui est
inaccessible à la compréhension, en particulier pour ses nombreux admirateurs aujourd’hui
décontenancés par sa démarche de pardon.
Entier,
courageux, croyant, Dieudonné n’est pas un homme politique. C’est d’abord un
artiste, un être à la sensibilité exacerbée. Son pardon, qui paraîtrait
saugrenu venant d’un homme politique ou d’un intellectuel comme Gramsci, ne l’est
pas dans son cas.
Sans oublier
la dimension psychiatrique de la dissidence : s’attaquer frontalement à un
Etat, être la cible affichée du Ministre de l’Intérieur peut rendre
psychiquement malade. Avec de possibles conséquences psychosomatiques pouvant
aller jusqu’au cancer. C’est le souvenir de la dissidence soviétique qui m’amène
cette réflexion : des dissidents étaient enfermés et déclarés
psychiquement malades en URSS. Certains d’entre eux étaient tombés réellement
malades psychiquement, ne supportant plus la pression (pas tous loin de là, et
cette psychiatrisation était bien criminelle).
Personne ne
peut juger la résistance d’un psychisme face à la pression subie comme
conséquence d’une dissidence radicale. Peut-être Dieudonné a-t-il jugé qu’il
avait suffisamment subi, qu’il y allait de sa santé, de celle de sa famille, de
sa survie, et que sa foi lui indiquait la voie qu’il a suivie.