Les oubliés... "Vous ne
devez rien dire à propos de cet incident, non seulement pendant toute
la durée de la guerre, mais pour le reste de nos vies".
La Libération (1) : Il ne s’est rien passé à Slapton Sands... (19)
par morice
samedi 31 juillet 2010
« ...
les alliés avaient bien répété le débarquement avant de le faire
réellement, avec de gros moyens. Ça s’est passé sur une plage anglaise,
et ça a tourné au fiasco complet, l’arrivée impromptu de vedettes
rapides allemandes ayant provoqué un véritable massacre... »
[...]
Pour le troisième exercice, « Tiger », et son débarquement sur la
plage prévue de Slapton Sands, la plus ressemblante d’Utah Beach, les
responsables des armées avaient souhaité faire faire aux hommes et au
matériel un long trajet en baie de Lyme, en passant le long du Dorset,
pour simuler la durée de trajet de traversée de la Manche. Deux convois,
partis séparément les 25 et 26 avril 1944 devaient se rejoindre, partis
de Plymouth, Salacombe, Darmouth, Torquay et Brixham. L’ensemble réuni,
avec les pontons remorqués s’appelle Force Utah : l’intention de faire
"vrai’ était nette. L’idée de faire naviguer presqu’en rond les
attaquants pendant une durée équivalente à la traversée permettrait de
vérifier l’état de fatigue et la disponibilité des soldats au moment du
débarquement : hélas, c’est ce tour en bateau qui allait être à
l’origine du désastre.
"Prenant place sur la côte Devonshire,
l’exercice Tiger comprenait deux vagues successives en vertu des
conditions de bataille futures. Le premier assaut sera un succès, et il
devait être suivi le 28 avril par huit LST (Landing Ship Tanks) et deux
pontons, sous escorte de deux navires de guerre de la Royal Navy". Les LST ne sont pas les
barges du film de Spieberg (là ce sont des
petites LCVP pour
36 hommes), ce sont de
grands navires de 4000 tonnes, qui contenaient en effet jusqu’à 1000 hommes chacun au total et emportaient des
camions et des chars (1)..
En protection figure la corvette HMS Azalea (de la
classe flower (2)) le destroyer
HMS Scimitar ayant
eu une collision avec un LST était déjà reparti à Plymouth. En pleine
nuit, à 1 h du matin, le convoi va, hélas, croiser une patrouille de
deux flotilles de Schnellboote (3), la N°5 et la N° 9, neuf vedettes au
total, stationnée à Cherbourg sous le commandement du capitaine Rudolf
Petersen. En quelques minutes, le sort des trop lents LST est réglé : le
N°507 et le N°531 se retrouvent au fond avec tous leurs soldats, le
premier touché par deux torptilles, le N°289 sérieusement endommagé :
tout son avant a explosé, ses tôles repliées de façon assez monumentale.
Il n’y eût que 290 survivants sur les 744 soldats et 282 marins du
N°531. Sur le ST 507 il y eût 13 morts et 22 blessés. le plus lourd
tribut revint à la 1st (Engineer Special) Brigade qui perdit ce jour-là
413 hommes et eût 16 blessés. Sur les 251 hommes du 3206th Quartermaster
Service Company, 201 furent mis hors course, tués ou blessés. Au 557th
Quartermaster Railhead Company, 69 pertes étaient à signaler. Ce fut un
véritable massacre (4).
Comme raisons, on invoquera le manque de suivi des préparatifs...
En ce qui concerne notre pilote du Beaufighter RD-767, il avait bien vu
les explosions, et son radar Mark VII avait bien détecté les vedettes
rapides, mais les ordres qu’il avait reçu de ses supérieurs étaien
t « c’est un exercice, n’intervenez pas ». Descendu
un peu plus bas pour vérifier ce que c’était, il s’aperçut avec son
navigateur que c’étaient trois Schnellboote, qui lui tirèrent même
dessus. Il répondit sans en référer à son contrôleur aérien par un tir
de deux
roquettes HE. Un second passage avec un seconde
paire de roquettes
fit exploser une des vedettes rapides. Les deux autres échappées,
l’avion se pose, ravitaille vite fait et tente de les rattraper,
toujours sans autorisation : direction Cherbourg d’où elles venaient.
Retrouvées, le Beaufighter en endommagea une à nouveau à coups de
roquette et de mitrailleuses. Revenu à sa base, et prêt à rédiger son
rapport, il en fut totalement dissuadé par ses supérieurs :
"Vous ne
devez rien dire à propos de cet incident, non seulement pendant toute
la durée de la guerre, mais pour le reste de nos vies".
Le lendemain, la mer rejetait des centaines de corps sur la plage.
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