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Commentaire de Étirév

sur De la religion naturelle par Jules Simon


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Étirév 16 janvier 08:32

ORIGINE DE LA RELIGION
Faire l’histoire des religions et des systèmes philosophiques qui ont surgi autour d’elles, c’est faire l’histoire de la psychologie humaine.
L’évolution religieuse, c’est l’évolution psychique de l’homme déroulée à travers les siècles. Elle répond à des lois aussi certaines que celles qui régissent les phénomènes physiques et les phénomènes biologiques.
L’état psychique de l’homme jeune a eu comme résultat de faire naître la manifestation sentimentale, qui dure depuis les temps les plus reculés, qui durera éternellement, et qu’on appelle, dans les temps modernes, la Religion.
LA RELIGION PRIMITIVE
En remontant dans le passé pour chercher l’origine de la Religion primitive, nous découvrons qu’elle était basée sur les lois de la Nature, qu’elle était naturelle. Et c’est en cela qu’elle diffère des religions modernes qui, toutes, sont basées sur la violation de la Nature, qui sont surnaturelles (1). Et comme toutes les erreurs triomphantes sont intolérantes, elles ne se laissent pas discuter, parce que leurs prêtres ont une conscience vague des absurdités qu’ils enseignent. Comme tous les usurpateurs, ils condamnent, avec la dernière rigueur, le régime antérieur au leur, celui qu’ils sont venus renverser.
« Aimez la Religion : défiez-vous des religions », tel est le premier précepte de l’antique philosophie chinoise.
L’évolution religieuse a donc eu deux grandes phases bien tranchées :
- La Religion naturelle.
- Les Religions surnaturelles.
L’histoire des religions, c’est l’histoire des luttes de sexes, des luttes de la vérité et de l’erreur, du bien et du mal, de la justice et de l’injustice. C’est parce que c’est l’histoire des luttes de sexes que si peu d’hommes consentent à chercher et à dire toute la vérité dans cette question réputée dangereuse.
Elle contient un grand danger, en effet, pour les prêtres de tous les cultes qui s’appuient sur le mensonge, puisqu’elle lève entièrement le voile qui cachait la Vérité.
Leur sécurité relative vient de ce qu’ils s’appuient sur l’ignorance universelle. C’est que, pour faire l’histoire vraie des religions, il faut connaître l’évolution de la pensée humaine et l’évolution des sentiments, et cette histoire complexe restait à faire.
(…)
Nous qui venons à la fin des temps, nous avons sous les yeux la multitude innombrable de débris dont l’histoire est jonchée : débris de livres, débris de monuments, de traditions, de langues, de rites et d’institutions. Notre tâche est d’en comprendre la signification morale et d’en extraire la Science des Religions qui n’a pas été faite jusqu’ici.
Et c’est cela qui remettra la paix dans le monde, car c’est autour du mot Religion que toutes les passions humaines se sont déchaînées. Les discussions, les luttes, les guerres ont, presque toutes, été provoquées par un mot dont, aujourd’hui, on ne comprend plus la signification.

(1) Le surnaturel est une conception moderne qui caractérise une ère de décadence intellectuelle et d’ignorance que le genre humain a traversée mais dont nous sommes à la veille de sortir.
NB : LE PREMIER CULTE DE LA RELIGION NATURELLE

Dans toutes les formes de la grande religion de la Nature qui régna si longtemps, dans l’univers tout entier, nous voyons à l’aurore de tous les cultes : la Femme.

Après avoir donné un premier aperçu sur ce qu’a été la Divinité dans la jeunesse de l’humanité, nous avons maintenant à chercher ce qu’a été le premier culte, et nous comprendrons que ces deux manifestations qui sont restées au fond de toutes les religions, sont la représentation exacte des facultés psychiques des deux êtres humains.
La vérité est la manifestation de l’Esprit féminin ; le Culte est la manifestation des sentiments masculins.
Le premier culte, c’est l’hommage que rend l’homme à la Femme, ce sont les prévenances qu’il a pour Elle, les précautions qu’il prend pour éviter de lui déplaire, l’effort qu’il fait pour se rendre aimable, c’est-à-dire digne d’être aimé.
C’est la loi naturelle des devoirs de l’homme, dictée par sa conscience et par ses sentiments, c’est-à-dire par ce qu’il y a de plus fort dans la nature humaine.
Le culte comprend quatre manifestations principales :
- L’Adoration
- La Prière
- L’Offrande
- La Communion
L’Adoration
Le culte spontané et instinctif que les premiers hommes ont rendu à la Femme a été la plus haute expression du sentiment religieux. Sa première manifestation est l’adoration exprimée par des louanges, par des prières, manifestée par des dons, par des actes.
La Divinité était adorée quand le mot « Déesse » désignait la Femme vivante. La « Dulie » était une sorte de culte d’affection et de société que l’homme trouvait naturel de rendre à la Femme.
Si le mot « Dulie » a fini par signifier « le culte des Anges », c’est parce que le symbolisme antique a couvert sa personnalité réelle de figures idéales, dont le surnaturel plus tard s’est emparé.
Le mot dévotion, resté dans les religions, vient de Dévaïté, qui vient de Dévâ. Dévotion voulait dire : « Culte pratiqué avec amour ». Les dévots étaient les fervents serviteurs et adorateurs de la Déesse. Le mot dévoué dérive de Dévaïté. Il est toujours employé par l’homme comme l’expression de son hommage. Celui qui termine une lettre en disant à la Femme qu’il respecte : « Je suis votre dévoué serviteur » continue l’ancien culte théogonique.
Parmi les dérivés du mot « Dévaïté » se trouve vovere, d’où vouer, aveu, avouer, ex-voto, qui tous ont un peu gardé leur signification primitive. En effet, vouer son amour, en faire l’aveu, avouer ses sentiments, ses désirs, les représenter par des objets (ex-voto), ce sont toujours là les phases diverses de l’adoration ; aussi le culte naturel est-il resté dans la vie de l’homme, son atavisme le lui restitue quand il traverse l’âge ontogénique, qui représente, dans sa vie actuelle, l’époque des temps primitifs.
C’est la manifestation spontanée de ces sentiments qui fait la vie morale de l’adolescent. Retrouver l’état d’âme de ses ancêtres de l’Age d’Or est l’idéal, le rêve de sa vie, sa Religion. C’est ce dévouement atavique qui le grandit en le mettant au-dessus des mauvais instincts. Et c’est ainsi que la Religion naturelle est le principal facteur du progrès moral des sociétés.
La Prière
Après l’adoration, le premier acte de tous les cultes, c’est la Prière.
Quelle est son origine ? À quelle Divinité l’homme s’adresse-t-il pour obtenir ce qu’il désire ?
Et d’abord qu’est-ce qu’il désire ?
La réponse est facile. L’homme désire la Femme, et c’est à Elle que, dans son adoration fervente, il adresse ses prières ; c’est Elle qu’il implore à genoux, une supplication passionnée dans le regard : c’est à Elle qu’il demande des faveurs et des grâces.
La prière cherche à être l’expression des ardeurs secrètes de l’âme. C’est d’abord un acte intérieur de la pensée qui peut se passer des formules du langage, mais l’homme a besoin d’épancher son âme et la première forme de la prière fut le soupir. Il est resté dans les traditions religieuses. Le mot qui le traduit est le « aom » (« aum » ou « Om ») des Hindous, cette aspiration pleine de désirs, devenue pour eux un mystère.
Le « aom » se retrouve dans le « Amen » des Hébreux, que les catholiques ont adopté.
Ce sont ensuite des invocations faites en un tendre langage d’où résultera le tutoiement, cette forme intime du discours qui, dans certaines langues, comme l’anglais, reste consacrée à la parole adressée à la Divinité.
« L’essence religieuse, dit l’amiral Réveillère, est la foi en une puissance surhumaine, accessible à la prière. »
C’est le besoin d’épanchement qui pousse l’homme à la louange publique.
Les Offrandes
En même temps que l’homme adresse à la Femme sa prière, il lui offre des présents. L’amour le rend généreux, il est heureux de se dévouer pour celle qu’il aime et de lui offrir ce que la Nature produit de plus beau, des fleurs, des fruits ; et si, pour les atteindre, il doit faire un effort, accomplir un travail, cela n’aura que plus de prix.
A une époque où la culture de la terre et la domestication des animaux occupait surtout l’activité humaine, il est naturel que les offrandes faites à la Femme par l’homme aient été d’abord les fruits de la terre et les animaux capturés.
Suivant une tradition rapportée par Porphyre (Traité de l’Abstinence, L. II), les premiers hommes n’offraient sur les autels des dieux que des fleurs, des fruits et des touffes d’herbes.
La galanterie fut rustique au début, elle est toujours un peu pastorale, parce qu’elle rapproche l’homme de la Nature. C’est la générosité, le dévouement, l’abnégation de cette belle jeunesse primitive qui reparaît, par atavisme, dans le désintéressement de notre jeunesse actuelle, dans sa tendance vers l’idéal.
Ces beaux sentiments, antérieurs à l’invention de la monnaie, ont été altérés ou détruits par l’amour de l’argent qui a tari la source de la générosité primitive.
La Communion
Ce chapitre de l’histoire des religions est celui dont on s’est le plus occupé et que l’on a le plus caché.
Suite…


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