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De la religion naturelle par Jules Simon

 

 

La Religion naturelle est le titre d’un ouvrage écrit par Jules Simon, philosophe et homme politique français du XIXème siècle. Son parcours, tant intellectuel que politique, se révèle réellement intéressant. Il reflète avec pertinence les grands débats qui animaient cette époque. Il est important de noter que Jules Simon exerça une influence significative sur de nombreux intellectuels, au point d’être considéré comme un véritable « maître à penser » pour « les classes bourgeoises et petites-bourgeoises  ».

Jules Simon fut député, sénateur et même Président du Conseil. Agrégé puis docteur en philosophie, il publia notamment des études sur la question universitaire et la liberté de l’enseignement. Par ailleurs, il abjura sa foi protestante pour épouser sa femme, de confession catholique. Ce détail, loin d’être anodin, revêt un grand intérêt pour saisir la psychologie et la pensée de ce penseur. 

 

Opposant farouche au Deuxième Empire de Napoléon III, Jules Simon tenta, après la terrible défaite de Sedan, de jouer le rôle de pont ou de point de ralliement entre la Droite et l’Extrême-Gauche. Cet exercice délicat finit par provoquer la chute de son ministère le 17 mai 1877. Il avait toujours refusé que le pays sombrât dans l’anarchie ou la guerre civile. Par la suite, il poursuivit sa réflexion sur les questions d’enseignement. Il s’opposa également aux décrets consacrés aux congrégations religieuses. 

 

Jules Simon fut aussi et surtout un républicain intransigeant. À ce sujet, Jules Méline écrivit : 

« M. Thiers fut, avec Jules Simon, le rempart de l’institution républicaine contre l’idée monarchique et, à ce titre, on peut dire bien haut, de l’un comme de l’autre - parce que c’est la vérité de l’histoire - qu’ils ont été les premiers, les véritables fondateurs de notre Troisième République ». Le cadre intellectuel est maintenant clairement posé.

 

Son ouvrage doit être compris comme une réflexion sur la possibilité d’une foi universelle, indépendante des dogmes religieux particuliers, basée sur la raison, la morale et l’observation de la nature. Bien évidemment, ses idées s’opposent farouchement au catholicisme romain. Pour Simon, la religion doit se définir comme naturelle parce que la croyance en Dieu serait une croyance universelle. Cette dernière ne dépendrait pas des révélations divines et de textes sacrés spécifiques à une ou des traditions religieuses. 

 

Cette religion, dite naturelle, reposerait sur des principes accessibles à tous les êtres humains par la seule raison et l’intuition morale. Simon argumentait en expliquant que le reconnaissance d’un Dieu créateur restait une loi morale universelle inscrite dans la conscience de chaque être humain. Simon fut monothéiste au sens qu’il défendit un Dieu unique. Toutefois, celui-ci se montrait à ses créatures par l’ordre et la beauté du monde et non par des déclamations prophétiques…

 

Par conséquent, l’Incarnation perdait tout son sens pour Jules Simon car Dieu ne pouvait nullement être enfermé dans des dogmes ou des préceptes imposés par des hommes (ou des femmes), même lorsqu’ils se revendiquaient religieux. Bien que devenu catholique par son mariage, Simon ne promut jamais la doctrine catholique romaine dans ses écrits ou ses différentes prises de position. En effet, son approche philosophique privilégiait une vision libérale et humaniste, où la liberté de conscience et de religion tenait une place fondatrice.

 

De plus, Simon partait du principe que la morale, commune pour lui à tous les Hommes, se plaçait littéralement au cœur de cette religion. Ainsi, les créatures de Dieu pouvaient recourir à leur conscience pour discerner le Bien et le Mal, sans dépendre de préceptes religieux édictés par des humains. Cette morale universelle devait être considérée comme la véritable essence de la religion naturelle.

 

Simon distinguait sa religion naturelle des religions révélées. Il estimait que les secondes étaient exclusives, divisées et sources de conflits. De plus, loin d’établir une doctrine universelle, elles élaboraient des concepts et des pratiques qui n’établissaient pas une foi religieuse reposant sur la morale, la raison et la liberté. Cet auteur républicain analysait que les religions constituaient des obstacles au rassemblement de tous les êtres humains. 

 

Concrètement, seule la religion naturelle réunirait toute l’humanité autour de principes communs. Pour Simon, elle offrait une spiritualité abordable à tous, valorisant la liberté individuelle et la raison. Ces idées, en réalité, se situent à la croisée de la philosophie dite des Lumières et du théisme libéral. La morale de Jules Simon s’inspirait d’un kantisme humanisé, teinté de quelques vagues références chrétiennes, notamment l’amour du prochain.

 

Simon reprenait certaines idées kantiennes, notamment l'universalité des principes moraux et l'importance de la liberté, tout en les adaptant à une vision humaniste où la raison s'alliait à des valeurs telles que l'amour et la solidarité, souvent inspirées de la belle tradition catholique. Il allégeait la rigueur du kantisme en le combinant avec des notions plus pratiques et concrètes, comme la tolérance religieuse ou le respect des libertés individuelles.

La religion naturelle, selon Jules Simon, se voulait une tentative de dépasser les religions ancestrales pour établir une foi universelle fondée sur la raison, la morale et la reconnaissance de Dieu à travers, en autres, la contemplation du monde réel. En définitive, cette matrice idéologique s’inscrivait dans une perspective humaniste et rationaliste. 

 

Cependant, ces principes, bien que séduisants aux yeux de certains, révèlent assez rapidement leurs faiblesses doctrinales et philosophies. Effectivement, les limites de la religion naturelle résident dans son abstraction universelle qui néglige la dimension prophétique et historique de la vraie religion révélée. De plus, elle repose sur une confiance excessive en la raison humaine, oubliant ses faiblesses et ses contradictions qui peuvent conduire au relativisme. En prétendant dépasser les dogmes, elle vide la foi de sa profondeur spirituelle et de son enracinement. Enfin, si nous suivons le chemin tracé par notre raison, il paraît impossible d’adhérer à cette religion prétendument naturelle…

 

FRANCK ABED


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6 réactions à cet article    


  • rogal 15 janvier 17:35

    « (...) la dimension prophétique et historique de la vraie religion révélée (...) »
    Laquelle ? Il y en a plusieurs, variantes comprises !

    «  oubliant ses faiblesses et ses contradictions »
    On peut en dire autant de bien d’autres, peut-être même de toutes.

    « (...) il paraît impossible d’adhérer à cette religion prétendument naturelle… ».
    Au contraire. D’ailleurs cet article y pousse. Merci, Frank ABED, pour cette piste.


    • Opposition contrôlée Opposition contrôlée 15 janvier 21:22

      Une résurgence tardive de la Théophilanthropie.


      • Étirév 16 janvier 08:32

        ORIGINE DE LA RELIGION
        Faire l’histoire des religions et des systèmes philosophiques qui ont surgi autour d’elles, c’est faire l’histoire de la psychologie humaine.
        L’évolution religieuse, c’est l’évolution psychique de l’homme déroulée à travers les siècles. Elle répond à des lois aussi certaines que celles qui régissent les phénomènes physiques et les phénomènes biologiques.
        L’état psychique de l’homme jeune a eu comme résultat de faire naître la manifestation sentimentale, qui dure depuis les temps les plus reculés, qui durera éternellement, et qu’on appelle, dans les temps modernes, la Religion.
        LA RELIGION PRIMITIVE
        En remontant dans le passé pour chercher l’origine de la Religion primitive, nous découvrons qu’elle était basée sur les lois de la Nature, qu’elle était naturelle. Et c’est en cela qu’elle diffère des religions modernes qui, toutes, sont basées sur la violation de la Nature, qui sont surnaturelles (1). Et comme toutes les erreurs triomphantes sont intolérantes, elles ne se laissent pas discuter, parce que leurs prêtres ont une conscience vague des absurdités qu’ils enseignent. Comme tous les usurpateurs, ils condamnent, avec la dernière rigueur, le régime antérieur au leur, celui qu’ils sont venus renverser.
        « Aimez la Religion : défiez-vous des religions », tel est le premier précepte de l’antique philosophie chinoise.
        L’évolution religieuse a donc eu deux grandes phases bien tranchées :
        - La Religion naturelle.
        - Les Religions surnaturelles.
        L’histoire des religions, c’est l’histoire des luttes de sexes, des luttes de la vérité et de l’erreur, du bien et du mal, de la justice et de l’injustice. C’est parce que c’est l’histoire des luttes de sexes que si peu d’hommes consentent à chercher et à dire toute la vérité dans cette question réputée dangereuse.
        Elle contient un grand danger, en effet, pour les prêtres de tous les cultes qui s’appuient sur le mensonge, puisqu’elle lève entièrement le voile qui cachait la Vérité.
        Leur sécurité relative vient de ce qu’ils s’appuient sur l’ignorance universelle. C’est que, pour faire l’histoire vraie des religions, il faut connaître l’évolution de la pensée humaine et l’évolution des sentiments, et cette histoire complexe restait à faire.
        (…)
        Nous qui venons à la fin des temps, nous avons sous les yeux la multitude innombrable de débris dont l’histoire est jonchée : débris de livres, débris de monuments, de traditions, de langues, de rites et d’institutions. Notre tâche est d’en comprendre la signification morale et d’en extraire la Science des Religions qui n’a pas été faite jusqu’ici.
        Et c’est cela qui remettra la paix dans le monde, car c’est autour du mot Religion que toutes les passions humaines se sont déchaînées. Les discussions, les luttes, les guerres ont, presque toutes, été provoquées par un mot dont, aujourd’hui, on ne comprend plus la signification.

        (1) Le surnaturel est une conception moderne qui caractérise une ère de décadence intellectuelle et d’ignorance que le genre humain a traversée mais dont nous sommes à la veille de sortir.
        NB : LE PREMIER CULTE DE LA RELIGION NATURELLE

        Dans toutes les formes de la grande religion de la Nature qui régna si longtemps, dans l’univers tout entier, nous voyons à l’aurore de tous les cultes : la Femme.

        Après avoir donné un premier aperçu sur ce qu’a été la Divinité dans la jeunesse de l’humanité, nous avons maintenant à chercher ce qu’a été le premier culte, et nous comprendrons que ces deux manifestations qui sont restées au fond de toutes les religions, sont la représentation exacte des facultés psychiques des deux êtres humains.
        La vérité est la manifestation de l’Esprit féminin ; le Culte est la manifestation des sentiments masculins.
        Le premier culte, c’est l’hommage que rend l’homme à la Femme, ce sont les prévenances qu’il a pour Elle, les précautions qu’il prend pour éviter de lui déplaire, l’effort qu’il fait pour se rendre aimable, c’est-à-dire digne d’être aimé.
        C’est la loi naturelle des devoirs de l’homme, dictée par sa conscience et par ses sentiments, c’est-à-dire par ce qu’il y a de plus fort dans la nature humaine.
        Le culte comprend quatre manifestations principales :
        - L’Adoration
        - La Prière
        - L’Offrande
        - La Communion
        L’Adoration
        Le culte spontané et instinctif que les premiers hommes ont rendu à la Femme a été la plus haute expression du sentiment religieux. Sa première manifestation est l’adoration exprimée par des louanges, par des prières, manifestée par des dons, par des actes.
        La Divinité était adorée quand le mot « Déesse » désignait la Femme vivante. La « Dulie » était une sorte de culte d’affection et de société que l’homme trouvait naturel de rendre à la Femme.
        Si le mot « Dulie » a fini par signifier « le culte des Anges », c’est parce que le symbolisme antique a couvert sa personnalité réelle de figures idéales, dont le surnaturel plus tard s’est emparé.
        Le mot dévotion, resté dans les religions, vient de Dévaïté, qui vient de Dévâ. Dévotion voulait dire : « Culte pratiqué avec amour ». Les dévots étaient les fervents serviteurs et adorateurs de la Déesse. Le mot dévoué dérive de Dévaïté. Il est toujours employé par l’homme comme l’expression de son hommage. Celui qui termine une lettre en disant à la Femme qu’il respecte : « Je suis votre dévoué serviteur » continue l’ancien culte théogonique.
        Parmi les dérivés du mot « Dévaïté » se trouve vovere, d’où vouer, aveu, avouer, ex-voto, qui tous ont un peu gardé leur signification primitive. En effet, vouer son amour, en faire l’aveu, avouer ses sentiments, ses désirs, les représenter par des objets (ex-voto), ce sont toujours là les phases diverses de l’adoration ; aussi le culte naturel est-il resté dans la vie de l’homme, son atavisme le lui restitue quand il traverse l’âge ontogénique, qui représente, dans sa vie actuelle, l’époque des temps primitifs.
        C’est la manifestation spontanée de ces sentiments qui fait la vie morale de l’adolescent. Retrouver l’état d’âme de ses ancêtres de l’Age d’Or est l’idéal, le rêve de sa vie, sa Religion. C’est ce dévouement atavique qui le grandit en le mettant au-dessus des mauvais instincts. Et c’est ainsi que la Religion naturelle est le principal facteur du progrès moral des sociétés.
        La Prière
        Après l’adoration, le premier acte de tous les cultes, c’est la Prière.
        Quelle est son origine ? À quelle Divinité l’homme s’adresse-t-il pour obtenir ce qu’il désire ?
        Et d’abord qu’est-ce qu’il désire ?
        La réponse est facile. L’homme désire la Femme, et c’est à Elle que, dans son adoration fervente, il adresse ses prières ; c’est Elle qu’il implore à genoux, une supplication passionnée dans le regard : c’est à Elle qu’il demande des faveurs et des grâces.
        La prière cherche à être l’expression des ardeurs secrètes de l’âme. C’est d’abord un acte intérieur de la pensée qui peut se passer des formules du langage, mais l’homme a besoin d’épancher son âme et la première forme de la prière fut le soupir. Il est resté dans les traditions religieuses. Le mot qui le traduit est le « aom » (« aum » ou « Om ») des Hindous, cette aspiration pleine de désirs, devenue pour eux un mystère.
        Le « aom » se retrouve dans le « Amen » des Hébreux, que les catholiques ont adopté.
        Ce sont ensuite des invocations faites en un tendre langage d’où résultera le tutoiement, cette forme intime du discours qui, dans certaines langues, comme l’anglais, reste consacrée à la parole adressée à la Divinité.
        « L’essence religieuse, dit l’amiral Réveillère, est la foi en une puissance surhumaine, accessible à la prière. »
        C’est le besoin d’épanchement qui pousse l’homme à la louange publique.
        Les Offrandes
        En même temps que l’homme adresse à la Femme sa prière, il lui offre des présents. L’amour le rend généreux, il est heureux de se dévouer pour celle qu’il aime et de lui offrir ce que la Nature produit de plus beau, des fleurs, des fruits ; et si, pour les atteindre, il doit faire un effort, accomplir un travail, cela n’aura que plus de prix.
        A une époque où la culture de la terre et la domestication des animaux occupait surtout l’activité humaine, il est naturel que les offrandes faites à la Femme par l’homme aient été d’abord les fruits de la terre et les animaux capturés.
        Suivant une tradition rapportée par Porphyre (Traité de l’Abstinence, L. II), les premiers hommes n’offraient sur les autels des dieux que des fleurs, des fruits et des touffes d’herbes.
        La galanterie fut rustique au début, elle est toujours un peu pastorale, parce qu’elle rapproche l’homme de la Nature. C’est la générosité, le dévouement, l’abnégation de cette belle jeunesse primitive qui reparaît, par atavisme, dans le désintéressement de notre jeunesse actuelle, dans sa tendance vers l’idéal.
        Ces beaux sentiments, antérieurs à l’invention de la monnaie, ont été altérés ou détruits par l’amour de l’argent qui a tari la source de la générosité primitive.
        La Communion
        Ce chapitre de l’histoire des religions est celui dont on s’est le plus occupé et que l’on a le plus caché.
        Suite…


        • Gollum Gollum 16 janvier 10:01

          @Étirév

          Pas la peine d’en pondre des tartines, indigestes au demeurant, personne ne vous lit ici (même pas moi)...


        • Gollum Gollum 16 janvier 10:10

          Effectivement, les limites de la religion naturelle résident dans son abstraction universelle qui néglige la dimension prophétique et historique de la vraie religion révélée.


          Quelle dimension prophétique ? Aucune prophétie biblique ne s’est réellement accomplie factuellement...


          Le Messie devait s’appeler Emmanuel il s’est appelé Jésus, Jésus devait revenir peu de temps après sa mort (voir Matthieu XVI, 27-28 et X,22) et plusieurs siècles après on l’attend encore.. enfin quand je dis on vous m’aurez compris...


          • rogal 16 janvier 10:56

            @Gollum
            « Quelle dimension prophétique ? Aucune prophétie biblique ne s’est réellement accomplie factuellement... ».

            Un peu de patience, que Diable !

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