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#44 des Tendances

De la religion naturelle par Jules Simon

 

 

La Religion naturelle est le titre d’un ouvrage écrit par Jules Simon, philosophe et homme politique français du XIXème siècle. Son parcours, tant intellectuel que politique, se révèle réellement intéressant. Il reflète avec pertinence les grands débats qui animaient cette époque. Il est important de noter que Jules Simon exerça une influence significative sur de nombreux intellectuels, au point d’être considéré comme un véritable « maître à penser » pour « les classes bourgeoises et petites-bourgeoises  ».

Jules Simon fut député, sénateur et même Président du Conseil. Agrégé puis docteur en philosophie, il publia notamment des études sur la question universitaire et la liberté de l’enseignement. Par ailleurs, il abjura sa foi protestante pour épouser sa femme, de confession catholique. Ce détail, loin d’être anodin, revêt un grand intérêt pour saisir la psychologie et la pensée de ce penseur. 

 

Opposant farouche au Deuxième Empire de Napoléon III, Jules Simon tenta, après la terrible défaite de Sedan, de jouer le rôle de pont ou de point de ralliement entre la Droite et l’Extrême-Gauche. Cet exercice délicat finit par provoquer la chute de son ministère le 17 mai 1877. Il avait toujours refusé que le pays sombrât dans l’anarchie ou la guerre civile. Par la suite, il poursuivit sa réflexion sur les questions d’enseignement. Il s’opposa également aux décrets consacrés aux congrégations religieuses. 

 

Jules Simon fut aussi et surtout un républicain intransigeant. À ce sujet, Jules Méline écrivit : 

« M. Thiers fut, avec Jules Simon, le rempart de l’institution républicaine contre l’idée monarchique et, à ce titre, on peut dire bien haut, de l’un comme de l’autre - parce que c’est la vérité de l’histoire - qu’ils ont été les premiers, les véritables fondateurs de notre Troisième République ». Le cadre intellectuel est maintenant clairement posé.

 

Son ouvrage doit être compris comme une réflexion sur la possibilité d’une foi universelle, indépendante des dogmes religieux particuliers, basée sur la raison, la morale et l’observation de la nature. Bien évidemment, ses idées s’opposent farouchement au catholicisme romain. Pour Simon, la religion doit se définir comme naturelle parce que la croyance en Dieu serait une croyance universelle. Cette dernière ne dépendrait pas des révélations divines et de textes sacrés spécifiques à une ou des traditions religieuses. 

 

Cette religion, dite naturelle, reposerait sur des principes accessibles à tous les êtres humains par la seule raison et l’intuition morale. Simon argumentait en expliquant que le reconnaissance d’un Dieu créateur restait une loi morale universelle inscrite dans la conscience de chaque être humain. Simon fut monothéiste au sens qu’il défendit un Dieu unique. Toutefois, celui-ci se montrait à ses créatures par l’ordre et la beauté du monde et non par des déclamations prophétiques…

 

Par conséquent, l’Incarnation perdait tout son sens pour Jules Simon car Dieu ne pouvait nullement être enfermé dans des dogmes ou des préceptes imposés par des hommes (ou des femmes), même lorsqu’ils se revendiquaient religieux. Bien que devenu catholique par son mariage, Simon ne promut jamais la doctrine catholique romaine dans ses écrits ou ses différentes prises de position. En effet, son approche philosophique privilégiait une vision libérale et humaniste, où la liberté de conscience et de religion tenait une place fondatrice.

 

De plus, Simon partait du principe que la morale, commune pour lui à tous les Hommes, se plaçait littéralement au cœur de cette religion. Ainsi, les créatures de Dieu pouvaient recourir à leur conscience pour discerner le Bien et le Mal, sans dépendre de préceptes religieux édictés par des humains. Cette morale universelle devait être considérée comme la véritable essence de la religion naturelle.

 

Simon distinguait sa religion naturelle des religions révélées. Il estimait que les secondes étaient exclusives, divisées et sources de conflits. De plus, loin d’établir une doctrine universelle, elles élaboraient des concepts et des pratiques qui n’établissaient pas une foi religieuse reposant sur la morale, la raison et la liberté. Cet auteur républicain analysait que les religions constituaient des obstacles au rassemblement de tous les êtres humains. 

 

Concrètement, seule la religion naturelle réunirait toute l’humanité autour de principes communs. Pour Simon, elle offrait une spiritualité abordable à tous, valorisant la liberté individuelle et la raison. Ces idées, en réalité, se situent à la croisée de la philosophie dite des Lumières et du théisme libéral. La morale de Jules Simon s’inspirait d’un kantisme humanisé, teinté de quelques vagues références chrétiennes, notamment l’amour du prochain.

 

Simon reprenait certaines idées kantiennes, notamment l'universalité des principes moraux et l'importance de la liberté, tout en les adaptant à une vision humaniste où la raison s'alliait à des valeurs telles que l'amour et la solidarité, souvent inspirées de la belle tradition catholique. Il allégeait la rigueur du kantisme en le combinant avec des notions plus pratiques et concrètes, comme la tolérance religieuse ou le respect des libertés individuelles.

La religion naturelle, selon Jules Simon, se voulait une tentative de dépasser les religions ancestrales pour établir une foi universelle fondée sur la raison, la morale et la reconnaissance de Dieu à travers, en autres, la contemplation du monde réel. En définitive, cette matrice idéologique s’inscrivait dans une perspective humaniste et rationaliste. 

 

Cependant, ces principes, bien que séduisants aux yeux de certains, révèlent assez rapidement leurs faiblesses doctrinales et philosophies. Effectivement, les limites de la religion naturelle résident dans son abstraction universelle qui néglige la dimension prophétique et historique de la vraie religion révélée. De plus, elle repose sur une confiance excessive en la raison humaine, oubliant ses faiblesses et ses contradictions qui peuvent conduire au relativisme. En prétendant dépasser les dogmes, elle vide la foi de sa profondeur spirituelle et de son enracinement. Enfin, si nous suivons le chemin tracé par notre raison, il paraît impossible d’adhérer à cette religion prétendument naturelle…

 

FRANCK ABED


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1 réactions à cet article    


  • rogal 15 janvier 17:35

    « (...) la dimension prophétique et historique de la vraie religion révélée (...) »
    Laquelle ? Il y en a plusieurs, variantes comprises !

    «  oubliant ses faiblesses et ses contradictions »
    On peut en dire autant de bien d’autres, peut-être même de toutes.

    « (...) il paraît impossible d’adhérer à cette religion prétendument naturelle… ».
    Au contraire. D’ailleurs cet article y pousse. Merci, Frank ABED, pour cette piste.

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