La réincarnation, les atomes et l’Intelligence Artificielle
Un graal pour les sumériens, les égyptiens, les indouistes, les bouddhistes … qui pensent à une réincarnation possible de l’âme, quand les physiciens sans s’y intéresser, nous laissent penser à une « réincarnation » d’un composant des corps. Leurs investigations doivent encore franchir un pas vers le Passeur, ce guide qui menait la barque mortuaire des pharaons jusqu’à Nout et à la résurrection.
Nout et son corps allongé recouvre la barque
La résurrection.
Une histoire ancienne dont l’interprétation s’étire avec l’histoire des hommes au fil des millénaires et un même but, survivre à cette mort incompréhensible puisque personne n’en est revenu pour nous l’expliquer. La vie on connait, pas la mort. Ce qui n’empêche pas d’y réfléchir.
"Dans tout exercice de l'intelligence il y a un effort pour contester ou défier le passage du temps. Il est de la nature de la raison de percevoir les choses sous une espèce d'éternité." (Spinoza)
La réincarnation suppose que l’âme ou la conscience pour les athées, trouve une nouvelle enveloppe pour perpétuer son existence. Une préoccupation pour les hommes probablement depuis qu’ils ont pris conscience de leur mortalité.
A l’école des égyptiens, on ne s’étonnera pas que les grecs aient partagé avec eux cette idée de renaissance (métempsychose), qu’ils envisageaient sous différentes formes successives possibles ; animales, humaines, végétales… Pour prétendre que « ce qui a été renaît », Pythagore a dû s’approcher de l’essence de la vie pour s’en convaincre. Il ne nous révèlera pas pour autant si, ou comment, les âmes suivent. Ses contemporains laissaient migrer les âmes de vivants à vivants, de plantes à bêtes, à humains… dans un cycle de purification qui finalement conduisait au divin (orphisme). Platon voit l’âme voyager perpétuellement entre l’au-delà et les vivants. L’âme des vivants provient des morts, pas seulement des hommes mais de tout ce qui a été vivant.
Encore avant, vers 3000 av JC les sumériens conceptualisaient le monde de « l’En haut » et ses vivants, et le monde de « l’En-bas » avec sa déesse du monde des morts Ereshkigal.
Les bouddhistes croient naître à nouveau, pour eux aussi l’âme (-esprit) change de corps, d’enveloppe.
Nietzsch croyait en « l’Eternel retour », cette idée qui voudrait que tout ce qui arrive est déjà arrivé, un éternel recommencement. Un concept déjà observé chez les sumériens de Babylone comme rapporté par cette traduction de Sénèque ; « Que l'univers soit une âme, ou un corps gouverné par la nature, comme les arbres et les plantes, tout ce qu'il doit opérer ou subir, de son premier à son dernier jour, entre dans sa constitution, comme en un germe est enfermé tout le futur développement de l'homme... ».
Pour ceux qui pensent que l’âme ou la conscience inexpliquée (1) serait une conséquence des corps donc de la matière, la réincarnation de l'âme ne pourrait être alors qu'un prologement de la recomposition des corps par suite d'une réutilisation des atomes « baladeurs », dont on ne sait pas s'ils existent en nombre fini.
Ainsi la mort cette inconnue serait nécessaire à la naissance, comme ces arbres et ces baleines qui pourrissants favorisent la vie autour d’eux. Personne n’imagine que la naissance d’un vivant, animal, végétal, humain soit une création ex nihilo. Chaque existant tire sa substance de ce qui est sur notre planète dont rien ne s’échappe.
Si la genèse des vivants se noie dans nos océans, l’allumage des âmes ou des consciences (1) reste un mystère dont on ne sait pas si, finalement elle pourrait être la conséquence de cette matière éternelle.
A en croire ces précognitions qui ont traversé toutes ces époques, la mort ne serait donc pas le néant. Une intuition qui n’a pas fini son chemin.
Imperméable à la métaphysique -cette démarche rationnelle à partir d’un pressentiment- les physiciens apportent leurs contributions avec leurs connaissances de la matière. Ils n’abordent pas la réincarnation par le cheminement de l’âme mais, sans le vouloir, par celui des corps, de la matière. Etienne Klein rappelait que le corps est constitué d'atomes constitués eux-mêmes de protons et neutrons. Les protons ont une durée de vie si longue qu'elle est impossible à mesurer, probablement plus longue que la durée de vie de l'univers. Bien qu’un neutron libre n’ait qu’une durée de vie d'un quart d'heure, des interactions dans le noyau transforment les protons en neutrons et les neutrons en protons. Ainsi les neutrons deviennent aussi immortels.
Les corps sont donc constitués d’atomes éternels qui se recombinent à l’infini après la mort aussi pour constituer d'autres objets ou organismes vivants. Quand on meurt nos atomes nés dans les étoiles il y a des milliards d’années, eux ne meurent pas. Ils n'ont jamais été vivants mais participent à la vie. On regrettera que la frontière entre physiciens et biologistes ne soit pas assez perméable pour nous en dire plus. Si la matière réduite à la dimension de l’atome participe à la vie, comment nos biologistes peuvent-ils cerner cette matière-là, sans vie mais pas inerte ?
Ainsi une partie éternelle de notre corps voyagerait avec ses atomes dont on nous dit qu’ils peuvent se recombiner chimiquement avec d’autres corps simples. « … la substance demeurant, seuls ses états changent » (Héraclite VIe s. av JC)
A peine envisage-t-on une explication presque rigoureuse aux mouvements des composants d’un être, voire de son existence, que l’actualité nous assomme d’une nouvelle qui relègue nos supputations scientifiques et métaphysiques les plus osées au rang de vieux grimoires, en effet, sous les auspices de l’Intelligence Artificielle « l’homme qui vivra 1000 ans est déjà né ».
Pour étayer sa conviction, Laurent Alexandre l’auteur du scoop, cite l’ahurissante explosion des progrès de l’IA de Google avec son logiciel Alphafold qui « … a permis des avancées capitales dans les sciences de la vie ». En quelques semaines Alphafold a permis de trouver la forme en 3 dimensions de 200 millions de protéines, un travail qui aurait mobilisé toute la communauté des chercheurs de la planète pendant 5000 ans (2). Avec les progrès foudroyants attendus par l’Intelligence Artificielle, la recherche médicale est un des domaines qui va exploser comme de nombreuses certitudes sur l’avenir des hommes.
En attendant…
Insensibles à ces élucubrations, ceux qui pensent encore que le néant est leur destinée, trouveront dans cette tablette sumérienne (2500 av JC) la recette d’un épicurien ;
Pourquoi donc rôdes-tu Gilgamesh ?
La vie sans fin que tu recherches,
tu ne la trouveras jamais !
Quand les dieux ont créé les hommes,
Ils leur ont assigné la mort,
Se réservant l’immortalité à eux seuls !
Toi, plutôt, remplis-toi la panse ;
Demeure en gaîté jour et nuit ;
Fais quotidiennement la Fête ;
Danse et amuse-toi jour et nuit ;
Accoutre-toi d’habits bien propres ;
Lave-toi, baigne-toi ;
Regarde tendrement ton petit qui te tient par la main,
Et fais le bonheur de ta femme serrée contre toi !
Car telle est l’unique perspective des hommes
- La conscience, pendant la vie après la mort, de Platon… au CNRS.
- Les spécialistes mondiaux de l’IA ont signé une déclaration peu rassurante il y a quelques jours. « … limiter le risque de l’extermination de l’humanité par l’IA exige un effort mondial. »
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